La visite du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou au prince héritier d'Arabie saoudite, Mohamed Ben Salman, a déjà fait couler beaucoup d'encre. Notre journaliste spécialiste des questions internationales Didier François nous explique les enjeux de cette rencontre loin d'être anecdotique.
A l'étranger, une visite a déjà fait couler beaucoup d'encre cette semaine : celle du Premier ministre israélien en Arabie Saoudite. Benyamin Netanyahou a rencontré lundi le prince héritier du Royaume, Mohamed Ben Salman. C'est historique, et loin d'être anecdotique.
Le rêve de MBS : renforcer l'Arabie saoudite face à l'Iran
C’est même un véritable renversement stratégique de la part de l’Arabie Saoudite… Ou plus exactement de la part de son prince héritier, le bouillonnant Mohammed Ben Salman, plus connu sous ses initiales "MBS". Capable du meilleur - comme par exemple accorder aux femmes une ébauche de droit vote ou l’autorisation de conduire une voiture sans être obligatoirement accompagnée d’un homme - mais également du pire - comme ordonner aux sbires de ses services secrets d’assassiner un opposant, Jamal Khashoggi, dans les locaux de son consulat, en Turquie, puis de le faire découper en morceaux et jeter dans un puit.
Car en fait le rêve de MBS, c’est de transformer son royaume en une puissance régionale capable de faire pièce à l’Iran, qui est à la fois son voisin et son ennemi juré. Et cela quel qu’en soit le prix à payer : à ce titre, nouer une alliance de revers avec Israël est donc une option tout à fait pragmatique et parfaitement acceptable par le jeune prince. D’autant qu’au-delà de l’apport militaire - loin d’être négligeable - l’Etat hébreu pourrait devenir à terme un partenaire économique et technologique de tout premier ordre pour moderniser le Royaume.
Pourquoi Riyad dément la visite
Mais "MBS" n’est pas encore totalement aux manettes. Et c’est ce qui explique la communication un peu embarrassée du palais, qui a nié la rencontre lorsqu’elle a été rendue publique, lundi, par la presse israélienne. Parce que nominalement, c’est évidemment le roi Salman, père de "MBS", qui reste le monarque régnant, gardien des lieux saints. Et il ne veut pas entrer dans l’Histoire comme le roi qui aura vendu Jérusalem et trahit le plan de paix arabe élaboré par les Saoudiens et qui conditionne la reconnaissance d’Israël à la création d’un Etat palestinien.
"MBS", ce qui l’inquiète, lui, c’est le départ de Donald Trump, son plus fervent soutien. Et l’arrivée à la Maison Blanche d’un Joe Biden qui s’est toujours déclaré horrifié par l’assassinat de Jamal Khashoggi. Un rapprochement acté avec Israël avant l’intronisation du nouveau président est pour MBS une question de survie politique. Car il espère ainsi s’attirer les bonnes grâces du Congrès américain. Et surtout cimenter définitivement l’alliance anti-iranienne voulue par Donald Trump. Avec à ce stade, aux côtés d’Israël et de l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis, le Bahreïn et le Soudan.