Haut-Karabakh : pourquoi l’Arménie et l’Azerbaïdjan sont au bord de la guerre

Des forces de l'armée azerbaïdjanaise au Haut-Karabakh. © Handout / Azerbaijani Defence Ministry / AFP
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avec AFP , modifié à

Des combats ont fait des dizaines de morts depuis dimanche entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, faisant craindre une guerre ouverte. Au cœur de ce regain de tension : la région du Haut-Karabakh, que les deux pays se disputent depuis près de trente ans.  

Le bruit des bottes résonne à nouveau dans le Caucase. Depuis dimanche, des combats meurtriers ont fait plusieurs dizaines de morts dans le Haut-Karabakh, une région que se disputent depuis des années l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Ces affrontements, les plus sanglants depuis avril 2016, font craindre le déclenchement d’une guerre ouverte entre les deux pays ennemis, en conflit latent depuis près de trente ans. La communauté internationale, qui a aussitôt condamné ce regain de tension, redoute également une escalade dans tout le Caucase du Sud. Surtout si la Turquie et la Russie, les deux géants de la région, s’impliquent dans ce conflit.

Des combats meurtriers depuis dimanche

Les combats ont débuté dimanche dans le Nagorny Karabakh, une région séparatiste azerbaïdjanaise peuplée majoritairement d’Arméniens et soutenue par Erevan. Les deux camps se sont rejeté la responsabilité du déclenchement des hostilités. Les forces armées de l’Azerbaïdjan ont dit avoir lancé dimanche matin une "contre-offensive" après une "agression" arménienne, usant de son artillerie, de blindés et de bombardements sur la province sécessionniste. Le Premier ministre arménien Nichol Pachinian a, lui, accusé son ennemi historique d’avoir "déclaré la guerre au peuple arménien".

Les combats ont fait des dizaines de morts, dont au moins 27 soldats séparatistes lors des affrontements de lundi. L'Azerbaïdjan n'a donné aucune information sur ses pertes militaires. Bakou a fait état de sept civils tués, dont les six membres d'une famille azerbaïdjanaise, et le Karabakh de deux civils ayant péri. Le bilan réel pourrait être bien plus lourd, les deux camps affirmant chacun avoir tué des centaines de militaires de la partie adverse. Les deux camps ont aussi décrété la loi martiale et une mobilisation militaire. 

La région du Haut-Karabakh, une poudrière depuis près de trente ans

La région du Haut-Karabakh est disputée depuis près de trente ans par les deux pays. L'enclave à majorité arménienne, rattachée en 1921 à l'Azerbaïdjan par les autorités soviétiques, a proclamé unilatéralement son indépendance en 1991, avec le soutien de l'Arménie. Une guerre s’en est alors suivie entre les deux pays, faisant 30.000 morts et des centaines de milliers de réfugiés. Le conflit s’est achevé par l’instauration d’un cessez-le-feu en 1994, avec une médiation russo-américano-française baptisée Groupe de Minsk. 

La région du Haut-Karabakh (appelée également république de Nagorny-Karabakh) a depuis lors proclamé son indépendance, qui n’a cependant pas été reconnue au niveau international. L'Azerbaïdjan, de son côté, cherche à reprendre cette province et malgré le cessez-le-feu, les accrochages armés restent fréquents. Avant ceux des derniers jours, les combats récents les plus importants remontent à avril 2016, et avaient fait 110 morts.

L’Arménie et l’Azerbaïdjan, deux pays ennemis

L’Arménie et l’Azerbaïdjan, deux anciennes républiques soviétiques, se vouent une haine tenace depuis leur indépendance en 1991. L’Arménie, un État enclavé d’environ 3 millions d’habitants et connu dans le monde entier pour sa vaste et influente diaspora (la star de télé-réalité Kim Karadashian, feu Charles Aznavour ou encore le footballeur Youri Djorkaeff), a connu une histoire récente tumultueuse. Au printemps 2018, une révolution pacifique a porté au pouvoir l'actuel Premier ministre Nikol Pachinian, qui tente de démocratiser le pays. Mais l’Arménie reste bien plus pauvre que son voisin azerbaïdjanais.

Cette terre musulmane, à forte majorité chiite, est contrôlée d’une main de fer depuis 1993 par la famille Aliev. Ilham Aliev, qui a succédé à son père Heydar en 2003, a entrepris ces dernières années une intensive politique de promotion de son pays, grâce à son énorme manne pétrolière. Bakou a également massivement investi dans les dépenses militaires, attisant les tensions dans le Haut-Karabakh.

La Turquie et la Russie, arbitres de ce conflit

Ce regain de tension entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan fait craindre une déstabilisation de tout le Caucase du Sud. Surtout si les deux puissances de la région, la Turquie et la Russie, qui ont des intérêts divergents, venaient à intervenir dans le conflit. Moscou, qui entretient des relations cordiales avec les deux belligérants et représente le grand arbitre régional, a immédiatement appelé à une cessation immédiate hostilité.

De son côté, la Turquie est un farouche soutien de l’Azerbaïdjan, dont elle a fait son principal allié dans la région. Elle nourrit, comme son voisin, une forte aversion envers l’Arménie. Les autorités turques refusent en effet de reconnaître le génocide de quelque 1,5 million d’Arméniens par l’Empire ottoman pendant la Première guerre mondiale. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a ainsi mis en garde l'Arménie, assurant "se tenir aux côtés du pays frère et ami qu'est l'Azerbaïdjan de tout notre cœur et par tous les moyens".

Mais selon les experts, seule une incursion militaire en profondeur à l'intérieur de l'Arménie ou de l'Azerbaïdjan, et non des affrontements le long du front, pourrait entraîner une intervention directe de Moscou ou d'Ankara. Une intervention diplomatique du groupe de Minsk (États-Unis, France et Russie) pourrait de son côté contribuer à faire baisser la tension.