Le président ukrainien s'est adressé dimanche au Parlement israélien, la Knesset. Volodymyr Zelensky a estimé en suivant que Jérusalem serait "le bon endroit pour trouver la paix" en évoquant les négociations avec la Russie qu'il appelle de ses vœux. Ce lundi, l'éditorialiste Vincent Hervouët revient sur cette intervention devant l'Assemblée parlementaire israélienne et dresse un parallèle entre Vladimir Poutine et Bachar al-Assad.
Le président ukrainien dimanche devant la Knesset
Nul n’est prophète en son pays. Volodymyr Zélensky a été applaudi debout par des députés britanniques, américains, européens, allemands mais il a suscité plus de réserves dimanche à Tel Aviv. Le seul président juif au monde, en dehors de celui d’Israël, est ovationné partout comme un héros mais il échoue à convaincre la Knesset de lui livrer des armes ou d’appliquer des sanctions contre la Russie.
C’est que les dirigeants israéliens avancent sur des œufs : 20% des électeurs sont d’origine russe. Il reste une forte communauté juive en Ukraine. Le conflit ne laisse donc personne indifférent. Mais ce qui importe vraiment, c’est l’autre guerre. La guerre de 40 ans, obscure, permanente, vitale : la guerre avec l’Iran.
Et dans cette partie-là, il faut ménager la Russie
Avant d’aller bombarder les milices pro-iraniennes en Syrie, Israël prévient Moscou qui regarde ailleurs et n’active pas ses missiles sol-air. Et Moscou peut bloquer la normalisation avec l’Iran que souhaite Joe Biden. Il est prêt à remettre sur les rails l’accord sur le nucléaire iranien. Pour Israël, c’est un marché de dupes. Il faut l’empêcher.
Le Premier ministre Naftali Bennett en a parlé à Vladimir Poutine qu’il est allé voir au Kremlin. Officiellement, il s'agissait de tenter une médiation dans le conflit ukrainien. Elle n’a rien donné, on n’en parle plus. En revanche, Moscou exige désormais des garanties avant de cosigner l’accord sur le nucléaire iranien. Naftali Bennett n’a pas sacrifié son shabbat en vain.
La morale de ces chassés-croisés, c’est que les Etats n’ont pas d’amis, même quand ils sont des nôtres, qu’ils portent un t-shirt kaki et plaident avec l’éloquence d’un héros, les Etats ont des intérêts. Leur morale, c’est de les défendre et pour cela, ils sont prêts à s’allier avec le Diable.
Les Emirats arabes unis ont accueilli ce week-end Bachar al-Assad
Lui, c’était le diable de la dernière décennie. Depuis dix ans, il est sorti de son enfer pour aller à Moscou et à Téhéran, ses deux alliés. Le voyage à Abou Dhabi était le premier dans le monde arabe depuis 2011… Autant dire qu’il a savouré le tapis rouge que lui ont déroulé le prince MBZ d’Abou Dhabi et le prince MBR de Dubaï. Il a dû apprécier leurs arabesques sucrées qui vantaient les relations fraternelles et la Syrie, pilier de la sécurité arabe… Quand ils disent la sécurité arabe, il faut entendre : "Écraser les Frères musulmans".
Ils n’ont pas dit un mot des centaines de milliers de morts en Syrie, des millions de réfugiés, des crimes de guerre. Tout est oublié, embrassons-nous folleville ! Vladimir Poutine que l’Occident considère comme un criminel de guerre doit apprécier cette réhabilitation de Bachar al-Assad. Il voit que le plus dur sera de durer. Avec le temps, l’amnésie vaut amnistie.
Les Emirats Arabes unis sont pourtant l’allié de la France…
La France a fourni le Louvre et la Sorbonne, installé une base militaire face à l’Iran, vendu des avions de chasse, des blindés, des canons et aussi le tramway, le métro, les Airbus, on compte 600 filiales d'entreprises françaises. On leur a tout refilé et même une place dans la Francophonie. Les Emirats, c’est notre meilleur client au Moyen-Orient. Cela ne veut pas dire que nous soyons leur principal allié.
Depuis des années, ils mènent une sale guerre au Yémen et nous détournons pudiquement les yeux. Autrement dit, nos ennemis ne sont pas ceux de nos amis. Leurs amis ne sont pas les nôtres. Et l’horreur que suscitent les crimes de guerre reste très relative.