Hillary Clinton ou Donald Trump ? Dans moins d'un mois, le nom de la candidate démocrate ou celui du trublion républicain sortira des urnes. Et pour que les électeurs privilégient leur nom plutôt que celui de leur concurrent, Clinton et Trump ont recours à tous les leviers d'influence disponibles. Et le marketing, évidemment, n'échappe pas à la règle. Philippe J. Maarek, professeur de communication politique à l’Université Paris Est-UPEC et auteur de "Communication et Marketing de l’Homme Politique" chez LexisNexis, décrypte pour Europe 1 ces méthodes encore peu développées ou interdites en France.
Spots télévisés, goodies, réseaux sociaux... En quoi le marketing est-il déterminant dans la campagne présidentielle ?
L'argent joue un rôle considérable dans une campagne, aux Etats-Unis. Pour communiquer, les candidats et leurs soutiens peuvent notamment investir sans véritable limite dans des spots publicitaires à la télévision dès lors qu’ils peuvent acheter les passages aux chaînes de télévision. La seule contrainte est pour ces dernières : elles doivent accorder exactement les mêmes conditions - horaire, tarif - aux autres candidats s'ils le demandent. Dans les faits, si un candidat ne dispose pas d’autant de moyens que l’autre (donations, etc.), il est désavantagé.
Quant aux goodies - ces objets à l'effigie des candidats, pin’s, casquettes, t-shirts, etc. - c'est une vieille tradition. Dès le XIXe siècle, des pin's à l’effigie de Lincoln et bien d’autres étaient commercialisés. Aux États-Unis, on affiche volontiers ses opinions politiques. C'est banal. Et c'est facile de choisir car il n'y a que deux partis et deux principaux candidats. C'est également une façon pour les candidats de faire rentrer un peu d'argent, même si ce n'est pas énorme, dans la totalité du budget de campagne. C’est un moyen de renforcer la visibilité de la campagne, et aussi la motivation des sympathisants.
Aux États-Unis, une campagne présidentielle, ça se mène chéquier en main !
Un candidat peut quasiment dépenser autant d'argent qu'il le souhaite pour une campagne contrairement à ce qui est autorisé en France. Un jugement de la cour suprême du 21 janvier 2010 a donné la possibilité aux entreprises et associations de participer à une campagne sans plafond de dépenses. La seule limite, ce sont les dons étrangers : ils sont interdits.
Trump, businessman et milliardaire, en a-t-il profité?
Donald Trump considère en général qu'il n'a pas vraiment besoin du marketing politique. Il se fie à sa propre étoile. Il n'a pas préparé son premier débat face à la candidate démocrate de façon aussi exhaustive qu’elle.
De fait, sans avoir besoin du marketing, grâce à ses nombreuses sorties polémiques, il a obtenu trois à quatre fois plus de temps d'antenne gratuit dans les médias qu’Hillary Clinton. Rien que pendant les primaires entre candidats à l’investiture républicaine, on estime qu’il a obtenu plus de 2 milliards de dollars de temps d’antenne gratuitement, dans les émissions d’actualité, etc. C’est pour cela que sa campagne des primaires a coûté relativement peu.
A travers les spots des uns, les frasques des autres, on cherche donc à vendre une personnalité plutôt qu'un programme?
En effet. Aux États-Unis, la personnalisation des campagnes est forte. Et quand les candidats attaquent, ils le font surtout sur la personnalité de l’adversaire. Ce n'est pas nouveau. Lorsque Lyndon Johnson avait diffusé un spot en 1964 sous-entendant que Barry Goldwater son adversaire était dangereux, et qu'il pourrait lâcher une bombe nucléaire au moment même où Stanley Kubrick sortait son "Docteur Folamour", l'attaque personnelle était déjà très forte, et d’ailleurs dans ce cas, ce fut fort efficace.
La différence, en 2016, réside dans l’accroissement de la violence verbale. Donald Trump est très souvent insultant à un niveau inégalé et cela a entraîné durant les primaires, et maintenant dans la campagne elle-même, une dérive générale. Il est vrai que la personnalité des deux candidats de cette année y est pour quelque chose. Entre le tempérament de Donald Trump et le passif personnel d'Hillary Clinton, première femme à pouvoir prétendre devenir présidente, mais aussi épouse d’un ancien président volage et maladroite vis-à-vis de la presse et des médias, les facteurs personnels jouent encore plus qu’à l’habitude. Cela explique pourquoi cette campagne est basée sur les personnes plutôt que sur les programmes, dont on ne donne au public qu’une idée assez caricaturale.