Cinq ans après le début des manifestations contre Hosni Moubarak en Egypte, l’hiver a-t-il succédé aux printemps arabes ? Agnès Levallois, consultante spécialiste du Moyen-Orient et chargée de cours à Sciences-Po, a estimé qu’un changement essentiel a eu lieu, de l’Egypte à la Tunisie en passant par la Syrie, lundi dans la Matinale d’Europe 1 : "il y a quand même une première chose essentielle qui est tombée, c’est ce fameux mur de la peur". "Je crois que c’est un atout et un acquis qui ne seront pas remis en question. Les peuples parlent, les peuples se manifestent, les peuples se mobilisent", insiste-t-elle.
"Une révolution prend du temps." Au-delà de cette donnée, "les situations sont extrêmement contrastées" selon les pays : la Libye, la Syrie et le Yémen sont engagées dans des guerres, dont la "difficulté énorme" est qu’elle comportent beaucoup d’interventions extérieures, explique Agnès Levallois. Elle constate malgré tout des changements en Syrie. "On voit une société civile, une capacité de la population syrienne à essayer de résister à ce chaos. Elle essaye de continuer à avancer pour obtenir le départ de Bachar Al-Assad, parce que c’est quand même ça que veut la majorité des Syriens."
Les Egyptiens, tombés sous la coupe du maréchal Abdel Fattah Al-Sissi après l’éviction du président islamiste élu Mohamed Morsi, sont quant à eux en train de se remobiliser, selon la spécialiste. "Je ne parle pas d’échec des révolutions arabes", résume-t-elle. "Une révolution prend du temps, et on ne peut pas obtenir en quelques années ou en quelques mois des situations merveilleuses."
L'influence grandissante de Daech. Les situations de la Syrie, de la Libye et du Yémen favorisent la montée de groupes armés et terroristes, à l’image de Daech. Mais au-delà de la Syrie et de l’Irak, où est basée l’organisation, des groupes s’en revendiquent et s’en inspirent, pour donner un écho plus large à leurs attaques. Pour Agnès Levallois, cette influence montre à quel point la communication de l’organisation Etat islamique est maîtrisée et efficace. Interrogée à propos de la nouvelle vidéo publiée dimanche par Daech, elle a expliqué que l’organisation Etat islamique "a très bien compris ce qu’est la communication". Avant d'ajouter : "elle a une stratégie qui est élaborée avec des gens qui connaissent très, très bien la façon d’atteindre au plus près les populations, qui peuvent être vulnérables et éventuellement peuvent être attirées par ce message".