Un chiffre historiquement haut, et plusieurs questions qui en découlent. Qui sont ces d'Allemands (12,6% des voix) qui ont voté pour l'Alternativ für Deutschland (AfD) lors des élections de dimanche, permettant à ce parti d'extrême droite de faire son entrée au Parlement, fait inédit depuis 1945 ? D'où viennent-ils ? Ont-ils une situation sociale difficile ?
Majoritairement des hommes en colère. Avant tout, ce sont des gens en colère. 60% des électeurs n'ont en effet pas voté par adhésion aux idées de ce parti, mais juste pour protester. Ce sont des hommes, et des hommes de l'Est du pays essentiellement. Pas vraiment de surprise à cela : dans l'ancienne RDA, depuis la réunification, on a toujours eu une scène d'extrême droite assez active, éparpillée en groupuscules. Fédérer cette droite de la droite, voilà l'une des réussites de l'AfD dans cette élection.
Originaires des régions riches. Quand on regarde en détail la situation économique de ces électeurs, quelque chose saute pourtant aux yeux : 39% d'entre eux gagnent plus que la moyenne nationale, à l'Est comme à l'Ouest. Plus étonnant encore : les régions où l'AfD fait le plein, ce sont les länder les plus riches, comme la Saxe, la Thuringe (qui n'a jamais eu autant d'investissements publics), le Bade-Wurtemberg ou la Bavière et son plein-emploi. Ces quatre régions sont celles avec le moins d'inégalités, et avec le meilleur niveau scolaire.
Une société "en voie d'islamisation". Contrairement aux idées reçues, ce n'est pas la crainte d'un déclassement qui est la première raison du vote d'extrême droite pour cette élection. Ces électeurs ressentent en revanche une injustice car ils se considèrent délaissés par la chancelière qui les aurait "trahis" (c'est leur mot) au profit des étrangers, qui leur font "peur". 95% d'entre eux pensent que la culture et les valeurs allemandes sont en train de disparaître dans une société "en voie d'islamisation". Comme le rappelait un politologue, on estime depuis des années qu'il y a entre 10 et 15% de xénophobes en Allemagne. Jusqu'à présent, il n'y avait aucun parti derrière lequel ils se retrouvaient. Avec l'AfD au-dessus des 10%, c'est désormais le cas.