Les Nations unies ont subi jeudi leur plus grave attaque en 24 ans lorsque 15 Casques bleus ont été tués en République démocratique du Congo, lors d'un assaut attribué à un groupe armé musulman ougandais, les ADF. "C'est la pire attaque contre des soldats de la paix des Nations unies dans l'histoire récente de l'organisation", a déclaré vendredi le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, se déclarant "indigné" face à ce "crime de guerre" qui a principalement touché des soldats tanzaniens.
Attaque la plus meurtrière depuis 1993. D'après les archives de l'AFP, une force onusienne n'avait pas subi une opération aussi meurtrière depuis la mort de 24 Casques bleus pakistanais à Mogadiscio le 5 juin 1993. Il s'agit aussi de l'attaque la plus meurtrière contre la force onusienne dans l'ex-Zaïre depuis son déploiement en 1999.
Outre les 15 morts, la Monusco a fait état de 53 blessés dans cette attaque survenue jeudi, dont trois dans un état critique. Cinq membres des forces armées de la République démocratique du Congo (RDC) ont également été tués, selon une déclaration du Conseil de sécurité de l'ONU. "Les membres du Conseil de sécurité condamnent dans les termes les plus forts toutes les attaques et provocations contre la Monusco par des groupes armés", ajoute le texte. "Il ne peut pas y avoir d'impunité pour de telles attaques". "Les Etats-Unis condamnent avec force l'attaque de jeudi contre la Monusco", a déclaré sur Twitter le département d'Etat américain.
Attaque à la tombée de la nuit. L'ONU attribue la responsabilité de l'attaque aux ADF (Allied Defense Forces, Forces démocratiques alliées), un groupe armé ougandais musulman actif dans le Nord-Kivu, un Etat de la RDC frontalier de l'Ouganda. Les assaillants ont visé une base de la Monusco tenue par un contingent tanzanien jeudi à la tombée de la nuit à Semuliki, dans l'est de la RDC, selon des sources onusiennes. "Les attaques contre ceux qui travaillent au service de la paix et de la stabilité en République démocratique du Congo sont lâches", a déclaré dans un communiqué le chef de la Monusco, Maman Sidikou.
Antonio Guterres a demandé aux autorités de la RDC d'enquêter sur cette attaque et "de traduire promptement ses instigateurs devant la justice". L'armée congolaise affirme que des dizaines de miliciens des ADF ont été tués et ne fait état que d'un blessé et un disparu dans ses rangs.
Des attaquants peu nombreux. Repliés en forêt, les ADF combattent depuis le Nord-Kivu le pouvoir du président ougandais Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 27 ans. Présents dans l'est de la RDC depuis 1995, leurs combattants ne seraient pas très nombreux. "On les estime à 150", indiquait récemment à l'AFP une source occidentale. Une précédente attaque attribuée aux ADF en octobre contre une base de la Monusco dans le Nord-Kivu avait déjà tué trois Casques bleus tanzaniens. Les ADF sont l'un des nombreux groupes armés actifs dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu, les deux provinces orientales de la RDC frontalières de quatre pays (Ouganda, Rwanda, Burundi, Tanzanie) et de trois grands lacs (Édouard, Kivu et Tanganyika).
Sécurité civile menacée. Le carnage visant les Casques bleus jette un coup de projecteur sur l'activité de ces milices, étrangères mais surtout congolaises, qui menacent la sécurité des civils dans les deux Kivus, à 2.000 kilomètres de la capitale Kinshasa. "De juin à novembre 2017, au moins 526 civils ont été tués dans les Kivus, au moins 1.087 personnes ont été enlevées ou kidnappées pour obtenir une rançon, et il y a eu au moins 11 viols de masse", indique cette semaine le tout nouveau "baromètre sécuritaire du Kivu" lancé par Human Rights Watch et par le groupe d'étude sur le Congo de l'Université de New York.
Crise politique. Outre les victimes des groupes armés, plus de 100 morts seraient l'oeuvre des "forces de sécurité congolaises", d'après cette même source. Le conflit dans l'est de la RDC "a été exacerbé par la crise politique générale" dans le pays, ajoute cette même source, qui vise le maintien au pouvoir du président Kabila au-delà de son deuxième et dernier mandat depuis décembre 2016. Des élections sont prévues le 23 décembre 2018 mais l'opposition demande le départ de M. Kabila dès la fin de l'année, dans un pays où toute contestation de rue de l'opposition est systématiquement interdite et réprimée.
"En octobre, les Nations unies ont déclaré un 'niveau 3 d'urgence' en RD Congo, une catégorie attribuée seulement à trois autres pays: la Syrie, l'Irak et le Yémen", rappelle ce groupe d'experts. "L'année dernière, 922.000 personnes ont été déplacées en RD Congo, plus que partout ailleurs dans le monde", ajoutent-ils, notamment en raison de la crise au Kasaï dans le centre du pays.