Repousser l'âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans est-il un mauvais calcul financier ? En retardant le départ à la retraite, Emmanuel Macron espère réaliser d’importantes économies. Selon le Conseil d’orientation des retraites (COR), qui a récemment publié son rapport sur les "Évolutions et perspectives des retraites en France", ce report générerait 10 milliards d’économies par an. Une somme qui permettra au gouvernement de sécuriser le régime tout en évitant qu'il ne sombre davantage dans le rouge. Des économies qui permettront aussi de financer d'autres mesures voulues par l'exécutif comme la baisse des impôts de production, le grand âge, l'école ou encore la transition écologique.
Travailler plus pour gagner plus ?
Principal argument de l'exécutif : la population vieillit et le système de retraite actuel est structurellement déficitaire. "Il n'y a pas 36 solutions, soit on augmente les impôts, soit on laisse filer la dette, soit on travaille plus", avait déclaré le ministre du Travail Olivier Dussopt, mi-septembre sur franceinfo. Faut-il alors travailler deux ans de plus pour rapporter plus d'argent ? Pas forcément. Repousser l’âge légal de départ permettrait de réaliser des économies, mais entraînerait aussi des dépenses supplémentaires.
Un Français sur deux qui arrive à la retraite est sans activité
Car, un Français sur deux arrivant en âge de partir à la retraite serait sans activité, au chômage, au RSA, en invalidité ou en arrêt maladie. Prolonger de deux ans sa carrière ferait donc automatiquement augmenter le nombre de seniors en difficulté et, par la même occasion, les sommes destinées à les aider.
Des coûts détaillés par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees). Au total, la facture aurait atteint près de 3,6 milliards d’euros, hors retraite et assurance-chômage, si l’âge légal était de 64 ans au lieu de 62 en 2019. Les pensions d'invalidité auraient alors connu 160.000 bénéficiaires supplémentaires, s'élevant à 1,8 milliard d'euros, et les arrêts maladie auraient coûté 970 millions d'euros.
Mais l'assurance chômage aurait aussi été impactée. Selon une note de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), les dépenses liées à l'assurance-chômage auraient été rehaussées d'environ 1,3 milliard d'euros en 2019. Cette fois-ci, la facture aurait atteint non pas 3,6 milliards mais près de 5 milliards d'euros, si l'âge de départ à la retraite était passé à 64 ans.
Une réforme qui sera adoptée coûte que coûte
Pour le gouvernement, le rapport du COR montre de façon implacable qu'il est nécessaire de réformer le système des retraites. L’un des indicateurs mentionnés dans le rapport, le solde du système de retraites, indique qu'il devrait y avoir un déficit à combler durant les 25 prochaines années, après quoi le système pourrait revenir à l’équilibre. Et c'est sur cet indicateur que se base l'exécutif. "Entre 2021 et 2032, le solde du système de retraite se dégraderait assez sensiblement : légèrement excédentaire à l’origine, il deviendrait déficitaire de -0,4 point de PIB en 2027 et -0,8 point de PIB en 2032 pour le scénario 1,0%", précise le rapport.
"Entre 2027 et 2032, le solde continuerait à se dégrader, en particulier pour les régimes de base des salariés du privé, principalement en raison de l’augmentation de la part des dépenses dans le PIB qui résulterait du net ralentissement de la croissance lié à la transition du taux de chômage vers sa cible de long terme."
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Même rapport et conclusions différentes entre l'exécutif et les syndicats
Et à l'inverse du gouvernement, en s'appuyant sur le même rapport, les syndicats sont parvenus à des conclusions très différentes puisqu'ils se basent sur un autre indicateur : la part des dépenses de retraites rapportée au PIB de la France. Selon le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, il n'y a aucune urgence à faire passer cette réforme : "Le COR dit qu'il y a un déficit mais qu'il n'y a pas le feu au lac. S'il y avait le feu au lac : mesures rapides. S'il n'y a pas le feu au lac : temps de la discussion", a-t-il affirmé au micro de France Inter et de franceinfo.
Journée de grève et de manifestation jeudi
Ce dossier n'a pas fini de faire parler de lui. Les syndicats, vent debout contre la réforme des retraites, manifesteront jeudi dans plusieurs villes de France. Pour Laurent Berger, invité d'Europe Matin lundi, "si le gouvernement passe en force, il y aura une opposition qui sera frontale, de la part des organisations syndicales et notamment de la CFDT".