Pour Donald Trump, c'est "l'un des plus beaux cadeaux de Noël qui soit". Pour les Américains, a-t-il promis, mais aussi un peu pour lui. Sa réforme fiscale, qui prévoit une grande baisse d'impôts dès 2018, a été adoptée mardi par la Chambre des représentants, par 227 voix contre 203, alors que le Sénat devrait faire de même dans la soirée. Ce qui constituerait un succès majeur pour le locataire de la Maison-Blanche, le premier depuis le début de son mandat.
Une réforme particulièrement ambitieuse
1.456 milliards de dollars : c'est, si le texte est adopté, le coût net de la baisse d'impôts que les finances publiques devront assumer sur la période 2018-2027, selon une commission parlementaire. Forts de ce montant à dix chiffres, d'aucuns chez les républicains n'hésitent pas à présenter la réforme comme la plus ambitieuse depuis 1986.
Dans le détail, l'impôt fédéral sur les sociétés baissera de 35% à 21%. C'est le volet sur lequel Donald Trump parie le plus pour doper la croissance américaine au-delà des 3% actuels, même si en réalité, la plupart des entreprises ne paient pas le taux plein grâce à des déductions fiscales.
Mais si la baisse d'impôts est permanente pour les sociétés, elle ne durera que jusqu'en 2025 pour les ménages, faute d'accord à plus long terme. Le gain de pouvoir d'achat pour les particuliers - estimé par le président de la Chambre, Paul Ryan, à 2.059 dollars par an (1.744 euros) pour une famille moyenne - s'érodera ainsi progressivement sur la prochaine décennie, jusqu'à s'annuler pour la moitié d'entre eux en 2027, selon le Tax Policy Center.
L'administration a de son côté annoncé que l'impact de la réforme serait reflétée sur les salaires dès février prochain (aux États-Unis, les impôts sont retenus à la source pour les salariés, ndlr). En outre, alors que le taux d'imposition le plus bas restera à 10%, le plus élevé passera lui de 39,6% à 37%, pour les revenus dépassant 600.000 dollars annuels pour un couple marié.
Cerise sur le gâteau pour les conservateurs, le texte inclut aussi deux de leurs grandes revendications : l'annulation de l'amende imposée par la loi sur l'assurance maladie de Barack Obama aux Américains qui ne sont pas assurés, et qui servait à inciter les gens à souscrire une couverture ; et l'ouverture de terres protégées de l'Alaska aux forages pétroliers.
Une revanche pour Donald Trump
C'est peu dire que la première année au pouvoir de Donald Trump a été mouvementée. Récemment, plusieurs défaites lors d'élections locales – en Virginie, au New Jersey et dans l'Alabama - l'ont fragilisé, et ses relations avec ses alliés parlementaires ont connu des hauts et des bas. À l'occasion de cette réforme prioritaire depuis des années pour le parti républicain, ils ont a priori mis leurs différends en sourdine, conscients qu'un nouveau cafouillage garantirait leur défaite aux législatives de novembre 2018... voire la "mort" du parti, selon le sénateur Lindsey Graham.
Malgré l'absence de John McCain, soigné pour son cancer du cerveau dans l'Arizona, la majorité sénatoriale devrait donc tenir. Le locataire de la Maison-Blanche vengerait ainsi l'échec de l'abrogation de l'"Obamacare", torpillée par des défections au sein de son propre camp en septembre.
Les économistes inquiets, les Américains sceptiques
Mais tout n'est pas si rose pour le 45ème président des États-Unis. À en croire une étude publiée par CNN, 55% des Américains sont contre cette réforme. Deux sur trois jugent ainsi qu'elle profitera plus aux riches qu'à la classe moyenne. "Les résultats la rendront populaire", a balayé Paul Ryan.
Cinq ministres européens, parmi lesquels Bruno Le Maire, ont déjà exprimé leur "préoccupation". "Le projet actuel de loi fiscale contient des éléments qui risquent de gêner sérieusement le commerce et les investissements entre nos deux économies", plaidaient encore quatre commissaires européens la semaine dernière. Cette loi pourrait en outre "conduire à des pratiques commerciales déloyales ou à une discrimination qui semblerait incompatible avec les règles de l'OMC (Organisation mondiale du commerce) et d'autres engagements internationaux pris par les États-Unis", écrivaient-ils depuis Bruxelles. De son côté, l'Allemagne s'inquiète pour son attractivité, tandis que pour les Nations Unies, cette réforme menace tout simplement de "faire exploser" le système de protection sociale pour les plus pauvres.
Outre les inégalités, ce sont les déficits fédéraux qui sont appelés à se creuser, selon plusieurs analyses. Et le regain prévu de croissance ne générera pas suffisamment de recettes fiscales pour compenser entièrement ce manque à gagner fiscal. La dette publique fédérale atteindrait ainsi entre 95 et 98% du PIB en 2027, selon le Comité pour un budget responsable. Si le statu quo était maintenu, celle-ci s'élèverait en revanche à 91%.
En faisant adopter cette réforme avant Noël, Donald Trump s'apprête donc à tenir sa promesse. D'autres s'annoncent plus compliquées à honorer.