Au micro d'Europe 1, Mokhtar Trifi, ancien président de la Ligue des droits de l’Homme en Tunisie, a dressé vendredi la chronique d’une présidence qui a mis le pays au pas, après avoir nourri de nombreux espoirs.
"La Révolution de Jasmin" avait eu raison de celui qui a dirigé la Tunisie pendant près d'un quart de siècle. L'ex-président Zine el-Abidine Ben Ali est mort jeudi à 83 ans. Depuis 2011, il vivait en exile en Arabie saoudite, loin de son pays où il continuait pourtant à être cité dans de nombreuses affaires judiciaires.
>> Au micro de Matthieu Belliard, dans la matinale d’Europe 1, Mokhtar Trifi, président de la Ligue des droits de l’Homme en Tunisie de 2000 à 2011, a dressé vendredi le bilan d’un règne marqué par la corruption et la répression.
"C’était un président qui, lorsqu’il est arrivé au pouvoir en 1987, a suscité beaucoup d’espoirs, car la fin du régime de Bourguiba (président de 1957 à 1987, ndlr) a été vraiment douloureuse. Son discours de départ était un discours démocratique, de rénovation du pays", se souvient Mokhtar Trifi. "Ces espoirs ont été déçus après 1989, avec la montée des islamistes. Le régime a commencé à serrer la vis. Par la suite, une répression implacable s’est abattue sur la Tunisie pendant tout le règne de Ben Ali."
L'économie aux mains des (très) proches du président
Le président a mis en place un régime autoritaire, véritable kléptocratie dans laquelle la corruption, pratiquée à très grande échelle, a permis à quelques intimes de Ben Ali de détenir pendant des décennies les principaux leviers économiques de la Tunisie. "Ben Ali et la famille de sa seconde épouse ont mis le pays en coupe réglée", poursuit Mokhtar Trifi. "Toute l’économie a été phagocytée par le clan Trabelsi. Selon la Banque mondiale, au moins 25% de l’économie tunisienne était aux mains de la belle-famille de Ben Ali. C’est un régime de corruption, qui a pillé le pays."
Durant 23 ans, Zine el-Abidine Ben Ali a conservé le pouvoir notamment en réprimant violemment ses adversaires politiques. "Plusieurs personnes sont passées par les tribunaux et les prisons de Ben Ali. Il n’y a pas un seul ennemi politique qui n’ait subi de sévices", ajoute Mokhtar Trifi.
Un héritage politique réduit à peau de chagrin
Huit ans après le départ du dictateur, son héritage politique semble avoir été complètement liquidé. Abir Moussi, candidate du Parti destourien libre, né du Rassemblement constitutionnel démocratique de Ben Ali, a fini à la 10e position du premier tour de la présidentielle, le 15 septembre dernier, avec seulement 4,02% des suffrages.
Pour autant, la transition démocratique n’est toujours pas achevée en Tunisie. Le second tour de la présidentielle doit voir s’affronter Kaïs Saïed et Nabil Karoui… emprisonné depuis le 23 août dans le cadre d’une affaire de blanchiment d’argent. "On ne peut pas concevoir qu’un candidat soit libre de dire et de faire ce qu’il veut, et que son concurrent soit empêché de le faire", déplore l’ancien responsable de la Ligue des droits de l’Homme en Tunisie.