Affaire Weinstein : Ronan Farrow, l'homme qui a libéré la parole

Ronan Farrow, l'un des tombeurs d'Harvey Weinstein, est l'un des plus virulents pourfendeurs de son père, Woody Allen. © DIMITRIOS KAMBOURIS / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP
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Le fils, brillant et torturé, de Mia Farrow et de Woody Allen, à qui il ne parle plus depuis la liaison du réalisateur avec sa belle-fille, a participé à la chute du producteur Harvey Weinstein, accusé de viols. 

Comme nombre de "fils de", le premier combat de Ronan Farrow a été de se faire un prénom. Sauf que dans le cas de ce jeune homme de 29 ans, au profond regard bleu et dont la ressemblance avec son père officiel, Woody Allen, n’est pas vraiment frappante, les motivations sont plus profondes. Elles sont nées du divorce entre sa mère, l’actrice Mia Farrow, et son père, suite à la liaison du célèbre réalisateur avec… sa belle-fille. Ronan Farrow, né Satchel Farrow, en a gardé une rancune tenace, contre son paternel d’abord, mais aussi contre Hollywood et son omerta. Ce n’est donc pas une surprise si c’est lui qui, par une longue enquête publiée le 10 octobre dans le New Yorker, a fini de mettre à terre le tout-puissant producteur Jerry Weinstein, accusé de multiples viols et agressions.

Son premier combat, donc, a été - littéralement - de se faire un prénom. Ce sera Ronan, son deuxième prénom, et pas Satchel, choisi par son père Woody Allen en hommage au célèbre (aux Etats-Unis) joueur de baseball Satchel Paige. Car de ce prénom, comme de ce père, Ronan Farrow ne veut plus. Il a cinq ans seulement quand, en 1992, le réalisateur quitte Mia Farrow pour épouser… la belle-fille de l’actrice, Soon-Yi Previn, de 35 ans, sa cadette, adoptée en 1978 par le couple Mia Farrow-Andre Previn. L’affaire fait scandale, mais une grande partie d’Hollywood refuse de se détourner du metteur en scène. L’enfant, puis le jeune homme, en gardera un ressentiment qui sera l’un des moteurs de sa carrière.

Fils et pourfendeur de Woody Allen

Au fil des ans, Ronan Farrow devient ainsi l’un des plus acharnés pourfendeurs de son père. Dont il a tout de même, semble-t-il, hérité de l’humour pince-sans-rire. Le 17 juin 2012, à l’occasion de la Fête des Pères, il tweete : "Joyeuse fête des pères - ou comme on l’appelle dans ma famille, joyeuse fête des beaux-frères".

En juin 2014, alors qu’à l’occasion des Golden Globes, le tout Hollywood célèbre Woody Allen, Ronan Farrow fait cette fois, dans un tweet toujours, référence à une autre fille adoptive de Mia Farrow, Dylan, qui a accusé en octobre son beau-père d’attouchements quand elle avait 7 ans. "J'ai raté l'hommage à Woody Allen. Est-ce qu’ils ont évoqué la fois où une femme a publiquement confirmé qu'il l'avait agressée à 7 ans avant ou après avoir cité Annie Hall ?"

Mais Ronan Farrow délaisse toute forme d’humour ou d’ironie dans une tribune publiée dans le Hollywood Reporter en mai 2016. Il y dénonce la "culture de l’impunité qui entoure son père", alors reçu en grande pompe au Festival de Cannes.  "Je crois ma sœur, je l’ai toujours crue, je lui faisais confiance", écrit-il ensuite. "Je me souviens avoir été moi-même perturbé par le compor­te­ment de mon père : il montait dans le lit de ma sœur en pleine nuit et la forçait à lui sucer le pouce."

Le tombeur d’Harvey Weinstein

Ce sera la dernière évocation publique de Woody Allen par Ronan Farrow. Car le jeune homme s’est en fait choisi une nouvelle cible : Harvey Weinstein, le tout-puissant producteur sur lequel courent d’insistantes rumeurs, depuis de longues années. Il s’attelle à une longue enquête, recueille de nombreux témoignages. Et si c’est le New York Times qui allume la mèche le 6 octobre, c’est bien lui qui, avec son enquête publiée dans le New Yorker, fait exploser la bombe.

Jusqu’alors pourtant, Ronan Farrow n’était pas particulièrement connu pour son travail de journaliste. Ce n’est pas, il faut le dire, le métier premier de ce surdoué. Il est d’abord diplômé, à 15 ans seulement de l’université Barnard, à New York, puis il fait son droit à Yale, qui lui permet de passer le barreau de New York en 2001. Il travaille ensuite comme chargé du droit humanitaire à la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants. Son talent le fait remarquer par l’administration Obama. A 23 ans, il devient ainsi la plume de Richard Holbrooke, l’envoyé spécial de Barack Obama pour l’Afghanistan. Puis il devient le conseiller à la jeunesse de la secrétaire d’Etat Hillary Clinton. "Je brûlais de faire mes preuves. De sortir de l’ombre imposante de parents célèbres", expliquera-t-il au magazine Esquire, relève Le Monde.

Ce n’est qu’en 2013 qu’il embrasse la carrière de journaliste. Il est alors embauché par NBC, pour une émission quotidienne d’abord, pour des sujets d’investigation ensuite. Ce n’est pourtant pas la grande chaîne qui publie son enquête. Le signe, encore, de l’omerta d’Hollywood ? Ronan Farrow refuse de le confirmer, et NBC réfute l’accusation. Peu importe. Avec ce scoop, il connaît enfin la renommée internationale dont jouissent ses deux parents. Une sorte d’aboutissement. A seulement 29 ans.

Fils de Woody Allen… ou de Frank Sinatra ?

Même humour grinçant quand sa mère laisse entendre, en 2013 dans Vanity Fair, que Ronan Farrow pourrait être en fait le fils du chanteur Franck Sinatra, avec qui elle fut brièvement mariée, entre 1966 et 1968. Le  jeune homme ne semble pas souffrir de la révélation, puisqu’il commente avec humour, sur Twitter : "Ecoutez, nous sommes tous ‘potentiellement’ le fils de Frank Sinatra".

Si aucune analyse ADN n’est venue confirmer l’information, beaucoup se sont déjà fait une idée, grâce au simple sens de l’observation :