Plusieurs milliers de partisans de l'opposant russe Alexeï Navalny, emprisonné et en grève de la faim, sont descendus dans la rue mercredi soir à Moscou et Saint-Pétersbourg pour demander sa libération, malgré un important dispositif policier. Scandant des slogans tels que "Poutine voleur !" et "Liberté !", les manifestants moscovites, réunis dans différents cortèges, ont pu défiler près du Kremlin puis du siège des services de sécurité (FSB) sans que les forces antiémeutes interviennent, quelques heures après le discours annuel de Vladimir Poutine sur l'état de la Nation.
1.200 personnes arrêtées
Si elles n'ont pas atteint l'ampleur des manifestations du mois de janvier après l'arrestation d'Alexeï Navalny, les journalistes de l'AFP ont constaté la mobilisation de foules importantes dans les deux plus grandes villes du pays. La police a fait état de 6.000 manifestants dans la capitale et 4.500 à Saint-Pétersbourg. Au total selon l'ONG spécialisée dans le suivi des manifestations OVD-Infos, plus de 1.200 manifestants ont été arrêtés à travers le pays, notamment à Saint-Pétersbourg où près de 500 interpellations ont été recensées.
"C'est un combat pour l'avenir", estimait Andreï Zamiatine, un entrepreneur de 51 ans : "Navalny veut changer le système et il est puni pour cela". Mais certains manifestants ne cachaient pas leur déception de ne pas voir une foule plus nombreuse. "Je ne pense pas que cette action pourra sauver Navalny, il faudrait au moins 200 ou 300.000 personnes dans la rue. Là, ce n'est pas le cas", constatait Alexandre Boutouzov, 51 ans, pour qui "l'indifférence des gens a gagné".
"On ira tous en prison"
Si les cortèges moscovites ont défilé dans le calme, l'ambiance était plus tendue à Saint-Pétersbourg selon une journaliste de l'AFP, qui a vu notamment un policier utiliser un taser contre un manifestant tandis que quelques courses-poursuites s'engageaient dans les rues. A Vladimir, où Alexeï Navalny est détenu dans une unité carcérale médicalisée, environ 200 personnes s'étaient réunies selon une journalistes de l'AFP. Ils ont pu défiler dans le centre de cette ville d'environ 350.000 habitants, chantant "La Russie sera heureuse!" ou "Des docteurs pour Navalny".
"Peut-être que les policiers ont été indulgents parce que c'est la dernière du FBK. Elle sera bientôt déclarée extrémiste et on ira tous en prison", estimait une manifestante de 60 ans, Maria Taïkova, faisant référence au Fonds de lutte contre la corruption fondée par l'opposant que la justice russe a prévu d'interdire. Des manifestations ont eu lieu dans les principales villes de Russie, de Vladivostok en Extrême-Orient russe aux grandes cités de Sibérie. Selon la police, 14.000 personnes ont défilé dans 29 villes dans le pays.
Dans la journée, plusieurs proches de l'opposant ont été arrêtés, dont l'avocate Lioubov Sobol ou sa porte-parole Kira Iarmych. Alexeï Navalny, condamné en mars à deux ans et demi de prison pour une affaire de fraude remontant à 2014 qu'il dénonce comme politiquement motivée, a entamé une grève de la faim il y a plus de trois semaines pour protester contre ses conditions de détention. Le principal opposant russe avait été arrêté sitôt rentré d'Allemagne en janvier, après cinq mois de convalescence pour se remettre d'un empoisonnement pour lequel il accuse directement Vladimir Poutine.