Un moyen de masquer l'intervention russe en Ukraine ? La question peut se poser après que le président russe a signé jeudi un décret classant les pertes de l'armée en temps de paix comme secret d'Etat. Si une personne transmet à un pays étranger des informations à ce sujet, elle risque désormais une peine pouvant aller jusqu'à quatre ans de prison. Jusqu'à aujourd'hui, seules les pertes militaires en temps de guerre étaient classées secret d'Etat.
"Opérations spéciales". Le décret publiée sur le site du gouvernement russe classe comme secret d'Etat les "informations relatives à la perte de personnel en temps de paix lors d'opérations spéciales".
Masquer les pertes russes en Ukraine ? Selon Pavel Felgenhauer, expert militaire proche de l'opposition au gouvernement, "la raison pour laquelle les pertes ne doivent pas être rendues publiques est le Donbass". Cette région de l'est de l'Ukraine est le théâtre depuis plus d'un an d'un conflit opposant l'armée ukrainienne et des séparatistes pro-russes. Ces derniers sont soupçonnés par les pays occidentaux et par Kiev de recevoir une aide militaire matérielle, mais aussi humaine, de la part de la Russie.
"Emprisonner ou effrayer". Le décret a pour objectif d'"emprisonner ou d'effrayer" les personnes qui veulent révéler des pertes russes en Ukraine, estime Pavel Felgenhauer. Cet expert souligne aussi que le concept d'"opérations spéciales" utilisé dans le décret n'a pas de définition juridique. "Cela signifie que tout peut être désigné en tant que tel", estime l'opposant.
Soldats russes capturés en Ukraine… La signature du décret intervient dans un contexte tendu entre la Russie et l'Ukraine. Des mouvements de troupes et de véhicules militaires se multiplient en effet à la frontière des deux pays. Le 17 mai dernier, Kiev a aussi capturé deux soldats russes sur son territoire lors de combats dans l'est du pays. Un des deux militaires a reconnu appartenir à une brigade spéciale russe. En août 2014, ce sont 12 parachutistes russes qui avaient été fait captifs par Kiev.
… et de mystérieuses inhumations. Selon un rapport basé sur le travail de l'opposant Boris Nemstov, assassiné en février, 200 soldats russes ont trouvé la mort en Ukraine. Des cas d'inhumations en Russie de soldats morts, sans que les familles puissent être informées des circonstances exactes des décès, ont également été rapportés dans les médias. Des comités de mères de soldats, qui exigent plus de transparence de la part de l'Etat, ont d'ailleurs refait leur apparition, rappelant aux Russes la sombre époque des guerres en Tchétchénie.
Moscou dément. Moscou a toujours rejeté l'accusation d'une intervention en Ukraine tout en reconnaissant que des Russes peuvent, de leur propre chef, combattre le pouvoir ukrainien. Même son de cloche du côté des séparatistes d'Ukraine. S'ils reconnaissent la présence de milliers de Russes dans leur rang, il s'agirait selon eux de soldats qui profitent de leur permission pour les aider. Le décret n'est d'ailleurs "pas lié à l'Ukraine", a avancé le porte-parole du Kremlin, Dimitri Peskov. De plus, Vladimir Poutine "n'a pas l'intention" de lancer en Ukraine des opérations spéciales, a-t-il ajouté.