Samuel Forey, journaliste blessé par une mine en Irak : "On a l'impression que le monde éclate tout d'un coup"

Physiquement, Samuel Forey dit aller bien. Seuls quelques éclats sur son visage sont visibles.
Physiquement, Samuel Forey dit aller bien. Seuls quelques éclats sur son visage sont visibles. © Europe 1
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A.D , modifié à
Le journaliste du Figaro était à Mossoul le 19 juin avec des confrères lorsqu'une mine a explosé. Trois d'entre eux sont morts. Pour Europe 1, il raconte sa tragique aventure.
INTERVIEW

Il était à Mossoul, en Irak, le 19 juin dernier, quand une mine a explosé et tué trois de ses collègues et amis. Le journaliste Samuel Forey était l'invité de la matinale d'Europe 1 pour témoigner de l'horreur qu'il a vécue.

"Un chaos". Physiquement, il va "très bien", assure-t-il, malgré quelques éclats sur le visage et sur le bras gauche. Il n'évoque pas son psychisme qui, on le croit volontiers, n'oubliera pas les événements. Il y a dix jours, il était en reportage pour Le Figaro à Mossoul, en passe d'être reconquise par les forces irakiennes. Il suivait une unité des forces spéciales vers 6h du matin. "On était dans les combats, on avançait jusqu'à arriver à une position qui avait été contrôlée la veille, dans une ancienne école." Le journaliste a ensuite progressé dans la vieille ville, maison par maison. "Il faut imaginer un chaos, des voitures dans les maisons, des escaliers dans les rues, des gravats partout. C'est déjà difficile de se déplacer, ça tire, ça bombarde." C'est au moment où il rebrousse chemin pour regagner l'école qu'une mine explose.

Entendu sur europe1 :
Ils étaient à deux mètres de moi. Je les vois à terre, inconscients, les chairs brûlées, déchirées.

"Je les vois à terre". "On a l'impression que le monde éclate tout d'un coup. On perd les repères. Le cerveau est saturé, on ne voit plus rien, on n'entend plus rien, on est frappé par un souffle d'air ardent. J'ai réussi à ne pas tomber tout en faisant attention où je marchais. Le souffle d'air m'a rejeté dans une sorte de guérite, ce qui à mon avis m'a sauvé la vie." Autour de lui, il y avait les journalistes Véronique Robert, Stéphan Villeneuve et leur fixeur irakien Bakhtiyar Haddad. "Ils étaient à deux mètres de mois. Je les vois à terre, inconscients, les chairs brûlées, déchirées. Je comprends que ça va mal. C'est difficile de réaliser ce qui se passe à ce moment là. J'appelle le soldat irakien qui était à cinq, dix mètres de nous de l'autre côté d'un mur."

"Faire quelque chose de ça". Ses trois collègues vont mourir très peu de temps après, et dans les jours qui viennent dans le cas de Véronique Robert. "J'ai une chance immense. Il va falloir faire quelque chose de ça", notamment pour la mémoire de ceux qui n'ont pas survécu. Samuel Forey a d'ores et déjà écrit un article pour Le Figaro racontant ce calvaire. Il y rend aux hommage aux trois disparus, notamment à Bakhtiyar Haddad, avec qui il parlait dans les moments d'accalmie de batailles et d'amour sur des canapés défoncés dans des maisons éventrées, un des hommes sans qui les journalistes ne pourraient pas savoir ce qui se passe en Irak. "On a toujours besoin de passeurs, qui parlent des langues étrangères, mais on a aussi besoin de gens qui savent se mettre à la place des autres, qui permettent de se projeter." Le journaliste le rappelle aussi, même si Mossoul tombera, la guerre en Irak n'est pas finie et personne ne peut dire pour l'instant quand le pays retrouvera la paix.