"Je suis toujours heureuse quand il est à la maison." Mercredi après-midi, sur la route qui relie l'aéroport de Palm Beach, en Floride, au club privé de Mar-a-Lago, Jennifer est venue accueillir son idole. Avec son énorme chapeau orange "Make America great again" et son t-shirt "Womans for Trump", il n'est pas difficile de deviner à qui est réservé cet enthousiaste comité d'accueil. "Je le remercie beaucoup d'avoir renoncé à sa vie privée, sa vie paisible pour nous", poursuit la jeune femme. "Il mérite de se reposer, il mérite de ne pas être sous un microscope comme il l'a été à Washington pendant quatre ans."
L'ancien président américain Donald Trump, qui a séché la cérémonie d'investiture de son successeur, Joe Biden, et sauté dans un avion en quittant la Maison-Blanche, compte visiblement la prendre au mot. Ici, à Palm Beach, le milliardaire est en terrain conquis. Comme Jennifer, des centaines de fans inconditionnels, drapeaux à la main et masque "MAGA" sur le nez, se sont rassemblés pour le saluer tandis qu'il rejoignait sa résidence de Mar-a-Lago.
La crainte du "tourisme trumpiste"
Mais l'ancien président s'expose aussi à... une querelle de voisinage. À Palm Beach, certains riverains ne veulent pas de lui de manière définitive. D'abord parce que les dizaines d'agents de sécurité et les procédures envahissantes liées à son ancienne fonction représentent un cauchemar logistique. Mais aussi parce qu'on craint une sorte de "tourisme trumpiste" qui viendrait troubler la quiétude d'un quartier où le prix démesuré des logements permet généralement d'acheter une certaine sérénité.
"Cela va sans doute rompre l'ambiance très tranquille, très vacances pour laquelle Palm Beach est célèbre", s'inquiète Katherine, qui est née ici et y a vécu toute sa vie. "Cela va sans doute attirer ses supporters qui viendront juste pour l'apercevoir en train de déjeuner... et sûrement changer l'atmosphère de la ville."
Trump n'a pas le droit de vivre en permanence à Mar-a-Lago
De toute façon, Donald Trump n'a pas vraiment le droit de vivre à Mar-a-Lago. Pour comprendre, il faut revenir plusieurs années en arrière, lorsque Donald Trump, qui avait acheté cette résidence privé, voulait la diviser en plusieurs lotissements afin de payer moins d'impôts. Les voisins, pressentant l'enfer à venir, avaient fait interdire le projet. Donald Trump avait alors négocié l'aménagement de la résidence en club privé, limité à un certain nombre de membres. Il s'était donc engagé à ce que personne ne réside sur place... pas même lui. En principe, nul ne peut vivre à Mar-a-Lago plus de 21 jours par an.
Les voisins actuels n'ont donc pas manqué d'envoyer, par voie d'avocat, un courrier à la ville lui rappelant son obligation de faire respecter l'accord. "C'est l'ancien président maintenant, c'est un milliardaire, donc il peut emménager partout où il veut", estime Bob, qui réside à Palm Beach depuis toujours. "S'il ne se plie pas aux lois, alors il devra en subir les conséquences et payer les impôts qui en découlent."
Golf et esprit de cour
Que va donc faire l'ancien président ? Au programme, du golf probablement. Donald Trump y a quand même joué 308 fois au cours de son mandat, c'est-à-dire qu'il a passé quasiment un quart de son mandat un club à la main. Il est peu probable qu'il ralentisse la cadence.
Pour le reste, il se dit ici que l'ancien président va constituer une espèce de cour en Floride, avec des proches conseillers, ses enfants et des alliés politiques. La Floride est un terreau propice à ce projet : l'État est toujours favorable à Trump (il l'a d'ailleurs remporté confortablement en 2020). Surtout, la plupart de ses proches ont aussi migré vers ce qui est perçu comme une terre d'accueil trumpiste. La fille de Donald Trump, Ivanka, a acheté avec son mari une propriété sur une île pas loin de Palm Beach. Donald Jr et sa compagne, eux aussi, cherchent une propriété dans la région.
Se remettre en selle
Dans cette cour, on retrouve aussi des personnalités conservatrices comme Rush Limbaugh, animateur radio très prisé de l'ancien président. La chaîne Newsmax, encore plus extrémiste que Fox News, a ses bureaux non loin de là. Le gouverneur de Floride est pro-Trump, tout comme Matt Gaetz, représentant au Congrès qui l'adule.
Et c'est bien sur ce petit cercle que compte Donald Trump pour se remettre en selle. L'ancien président a évoqué la création d'un nouveau parti politique. Celui qui a prévenu en partant qu'il reviendrait "d'une manière ou d'une autre" pourrait aussi préparer sa campagne pour 2024. Sous réserve que la justice lui en laisse les moyens, la Floride pourrait lui permettre de se ressourcer.