L'Union européenne a fermement condamné lundi l'attitude de la Russie dans le conflit syrien, sans envisager de sanctions, mais en avertissant qu'elle était passible de poursuites pour "crimes de guerre" en participant aux bombardements sur la partie est d'Alep. Lundi, 13 civils ont trouvé la mort dans le bombardement d'un quartier rebelle, dont 12 membres d'une même famille.
"Une escalade catastrophique du conflit". Le coup de semonce a eu pour cadre une réunion des ministres des Affaires étrangères des 28 pays de l'UE à Luxembourg. Un énième rendez-vous de la diplomatie internationale consacré au cessez-le-feu introuvable en Syrie, où le conflit qui dure depuis mars 2011 a déjà fait plus de 300.000 morts. "Depuis le début de l'offensive par le régime et ses alliés, particulièrement la Russie, l'intensité et l'échelle des bombardements aériens sur Alep-Est sont clairement disproportionnées", a accusé l'UE dans des conclusions adoptées par les 28. "Et le ciblage délibéré d'hôpitaux, de personnels médicaux, d'écoles et d'infrastructures vitales, tout comme l'usage de bidons d'explosifs, de bombes à sous-munitions et d'armes chimiques constituent une escalade catastrophique du conflit".
Des crimes passibles de la Cour pénale internationale. Pour les 28, ces attaques aériennes "pourraient constituer des crimes de guerre" passibles de la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye -il faut poursuivre la collecte de preuves-, et l'UE "renouvelle son appel au Conseil de sécurité de l'ONU à ce propos". Autrefois connue pour être le poumon économique du pays, Alep est aujourd'hui une ville dévastée par des bombardements incessants et de violents combats menés par les forces du régime de Bachar al-Assad, qui entendent conquérir la partie de la ville leur échappant depuis quatre ans.
Les avions russes et syriens mènent quotidiennement des frappes sur Alep pour appuyer l'offensive majeure des forces du régime, lancée le 22 septembre, pour s'emparer des quartiers rebelles.
Sauver Alep. Dans "un climat d'une très grande gravité" face au risque de chute d'Alep qui resterait comme "une tache dans l'histoire de l'Europe", selon le ministre français Jean-Marc Ayrault, les 28 ont de nouveau appelé à un arrêt des bombardements afin de permettre aux convois humanitaires d'accéder aux victimes, ce que le régime syrien n'a pas encore autorisé. "Notre priorité, c'est de sauver Alep et de sauver des vies", a proclamé Federica Mogherini, chef de la diplomatie de l'UE.
Pause humanitaire. Elle a salué comme "une étape positive" l'annonce par l'armée russe d' "une pause humanitaire" de huit heures jeudi dans les frappes aériennes et les tirs à Alep-est, qui coïncidera avec un sommet européen à Bruxelles consacré en bonne partie à l'attitude de la Russie en Syrie. Mais "il y encore un peu de travail pour trouver un terrain d'entente", a-t-elle nuancé, car les agences humanitaires estiment que 12 heures seraient nécessaires pour la livraison de l'aide et des secours.
Pas de sanctions envisagées contre la Russie. Fermes dans les mots, les Européens n'ont pas franchi l'étape de possibles sanctions contre la Russie, alors que nombre de proches du président Vladimir Poutine sont déjà la cible de mesures restrictives de l'UE (interdictions de séjour, gels d'avoirs) depuis le conflit ukrainien et l'annexion de la Crimée en 2014. "Si on veut un cessez-le-feu, il faut avoir la Russie de son côté", a souligné le ministre luxembourgeois Jean Asselborn, "et puis on n'arriverait pas à changer la donne avant trois-quatre mois". "On veut la séparation des combattants. Al-Nosra (l'organisation jihadiste Front Fateh al-Cham, ex-Front Al-Nosra, branche syrienne d'Al-Qaïda) est une organisation terroriste, c'est la raison pour laquelle la Russie bombarde. On estime qu'il y a encore 275.000 personnes à Alep et aussi entre 700 et 1.000 combattants d'Al-Nosra", a affirmé Jean Asselborn.