Dans le nord de la Syrie, alors que les grandes batailles contre l’État islamique sont terminées, des centaines de djihadistes étrangers sont toujours aux mains des forces kurdes dont la gouvernance n’a pas d’existence légale. Ils sont gardés dans des camps ou dans des prisons. Les djihadistes français sont environ une centaine dans cette partie de la Syrie. La France ne souhaite pas les rapatrier, mais les responsables kurdes ne veulent plus gérer ces prisonniers étrangers.
"Ils nous coûtent cher". Les autorités kurdes disent avoir jugé environ 700 djihadistes, tous syriens. Ici, le système judiciaire n’est reconnu par personne, mais ce sont pourtant ses règles qui s’appliquent. Aucun étranger n’est encore passé devant ces tribunaux. "Nous attendons des consignes de leur gouvernement", indique Abdulbasset Ausso, l'un des dirigeants de cet appareil judiciaire. Au micro d'Europe 1, l'homme explique qu'il commence à s'impatienter. "Ça ne peut pas durer éternellement, nous n’avons pas assez de place. Et ils nous coûtent cher ! Leur nourriture, leurs soins… Il faut bien s’en occuper", dénonce-t-il. "Et si on les juge, certains de ces étrangers seront condamnés à un an de prison. Après cette année de prison, je les relâche où ? Ce sont vos citoyens, ils ont des passeports français. Il faut assumer", lâche-t-il, arguant que "la Russie, elle, a repris presque tous ses prisonniers, y compris ceux qui ont combattus".
"On peut libérer tous ces membres de Daech". D'autres cadres locaux vont plus loin. Mizkeen Ahmad, une influente conseillère politique au sein de l’administration kurde, en veut à la coalition depuis la prise de la ville kurde d’Afrine par la Turquie. Pour elle, c’est une trahison qui doit avoir une conséquence. "L’Europe ne nous a pas aidés à Afrine, pourquoi on continuerait à s’occuper de vos prisonniers de Daech ? On en a capturé des milliers et personne ne nous a soutenus. Dont acte", s'agace-t-elle au micro d'Europe 1. "On peut libérer tous ces membres de Daech. On va les relâcher hors de nos frontières… dans quels pays ils iront, et où ils commettront une attaque ? Peu importe, il faut prendre cette décision", menace Mizkeen Ahmad.
Pour l’instant, ce n’est qu’une menace, mais elle est claire. "Les Occidentaux défendent leurs intérêts ici", avance-t-elle. "Qu’ils n’oublient jamais que nous avons aussi les nôtres."