Après une offensive fulgurante contre les forces gouvernementales, les djihadistes et leurs alliés ont investi Alep, la deuxième ville de Syrie, qui échappe donc au contrôle du régime de Bachar al-Assad pour la première fois depuis 2011. Qui sont-ils et comment l'expliquer ? Les éclairages de Régis Le Sommier, journaliste grand reporter.
Djihadistes et factions rebelles du nord de la Syrie ont lancé leur plus grande offensive de ces dernières années contre le régime de Bachar al-Assad , parvenant en quelques jours seulement à conquérir la deuxième ville de Syrie et le poumon économique du pays : Alep. Les combats ont fait plus de 300 morts, principalement des combattants - dont une centaine des forces gouvernementales et leurs alliés - mais aussi 28 civils, selon une ONG sur place.
Comment expliquer cette avancée fulgurante ? Qui sont ces djihadistes qualifiés de "rebelles" ? Invité d'Europe 1 midi week-end, Régis Le Sommier, journaliste grand reporter, nous répond.
Des djihadistes proches de Daesh
"On les appelle rebelles parce qu'en 2020, pendant la première période de la guerre, à partir de 2011, on a appelé rebelles tout ce qui était dans l'opposition au régime, avant de se rendre compte que progressivement, les djihadistes ont fini par dominer ce mouvement. D'ailleurs c'est 50 nuances de Djihad : on a en effet, des groupes plus ou moins laïques, comme l'Armée syrienne libre qui sont sous la coupe des Turcs, et puis d'autres plus ou moins radicaux, comme Hayat Tahrir al-Sham, qui est l'ancien nom du Front al-Nosra, qui était Al-Qaïda en Syrie ", détaille-t-il au micro de Lénaïg Monnier.
C'est ce groupe radical, à l'origine de l'offensive vers Alep, qui a débuté mercredi. À sa tête se trouve Abou Mohammed al-Joulani, compagnon de route d'Abou Bakr al-Baghdadi, considéré comme le chef de Daesh, le calife du jihad par ses partisans. "Donc on est face à des gens qu'on peut très difficilement appeler rebelles et encore moins rebelles modérés. Il ne faudrait pas retomber dans ce piège-là", complète Régis Le Sommier.
Le début de cette offensive a coïncidé avec l'entrée en vigueur d'une trêve au Liban entre Israël et le Hezbollah, allié de la Syrie et de l'Iran.
Un pays affaibli depuis 2016
La prise d'Alep de ce week-end est la plus grande offensive depuis 2016, lorsque Bachar al-Assad, le dictateur à la tête du régime syrien, avait repris la ville et gagné la guerre. Depuis, la Syrie est restée très affaiblie. En cause notamment : le flot de sanctions visant à punir immédiatement Bachar al-Assad de s'être maintenu au pouvoir. Ces sanctions ont rendu impossible toute reprise économique du pays, laissant sa population dans la misère.
80% du territoire syrien était de fait administré par les forces gouvernementales, le reste étant contrôlé par les djihadistes, dans la province d'Idleb et par les Kurdes au nord de la Syrie, avec une présence armée américaine.
Vers une chute de Bachar al-Assad ?
Une situation, qui, au vu des événements de ce week-end, pourrait mener à la chute de Bachar al-Assad, selon le journaliste.
"Je pense qu'on risque de revivre une Syrie de 2014, c'est-à-dire avec des pans entiers du pays sous la coupe de groupes armés plus ou moins djihadistes ou plus ou moins loyaux au gouvernement. Je ne crois pas que le gouvernement va encore tomber dans l'immédiat puisque les Russes vont venir à sa rescousse. L'Iran aussi, même s'il a d'autres préoccupations. En fait, c'est tout le monde chiite qui va se mettre au chevet de Bachar al-Assad, comme il y a huit ans", analyse Régis Le Sommier.
Face à la menace d'une poussée des djihadistes vers Damas, la capitale, l'armée syrienne a d'ailleurs renforcé son déploiement autour de la ville de Hama, dans le centre, a affirmé dimanche l'Observatoire syrien des droits de l'homme.