L'administration de Donald Trump a annoncé vendredi des mesures de rétorsion visant des produits français représentant 1,3 milliard de dollars pour punir Paris d'avoir instauré une taxe sur les géants technologiques américains mais a gelé leur application pour permettre de trouver une solution négociée au conflit. "Le bureau du représentant américain au commerce a décidé aujourd'hui d'imposer des droits de douane supplémentaires de 25% sur les produits français d'une valeur commerciale de 1,3 milliard de dollars en réponse à l'adoption par la France d'une taxe sur les services numériques qui cible injustement les entreprises de technologie numérique américaines", ont indiqué les services de Robert Lighthizer.
Les droits de douane supplémentaires seront imposés aux produits cosmétiques et aux sacs à main. Mais ils épargnent d'autres produits emblématiques tels que le champagne, le camembert ou le roquefort. En outre, "afin de laisser plus de temps pour tenter de résoudre ce litige, notamment par le biais de discussions en cours au sein de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), et en reconnaissance de l'accord de la France de retarder la perception de sa taxe jusqu'à la fin de l'année, le représentant au commerce a décidé de suspendre l'application de ces droits de douane supplémentaires pendant 180 jours", selon l'administration américaine.
La France pionnière en matière d'imposition des "Gafa"
Le Parlement français avait définitivement adopté le 11 juillet 2019 l'instauration d'une taxe sur les géants du numérique, faisant de la France un pays pionnier en matière d'imposition des "Gafa" (acronyme désignant Google, Amazon, Facebook et Apple) et autres multinationales accusées d'évasion fiscale. La veille, les Etats-Unis avaient décidé de lancer une enquête pour mesurer les effets d'une telle taxe sur les entreprises américaines. Et l'hôte de la Maison Blanche, qui a pris des mesures tarifaires agressives contre ses alliés et ses rivaux, avait menacé de droits de douane à 100% sur les produits français, notamment les fromages, les produits de beauté et les sacs à main.
L'enquête du bureau du représentant américain au commerce (USTR) s'était achevée en janvier et avait conclu que la taxe était "déraisonnable" et discriminatoire à l'égard des entreprises américaines. Elle a été suivie d'une période de commentaires et de demandes d'exemptions pour certaines marchandises, qui vient donc de s'achever. Le président du lobby des entreprises du secteur, Matt Schruers a estimé dans un communiqué que "l'action d'aujourd'hui envoie le message fort que les taxes discriminatoires visant les entreprises américaines ne sont pas un moyen de moderniser la fiscalité internationale".
A l'automne 2019, le dossier semblait sur la voie d'une résolution diplomatique. Le projet d'accord prévoyait alors de laisser en place le nouvel impôt français sur l'activité des grands groupes de technologie jusqu'à l'entrée en vigueur d'un nouveau plan fiscal international négocié dans le cadre de l'OCDE. La refonte de la fiscalité internationale, sous l'égide de l'OCDE, a pour objectif de mieux appréhender les activités des entreprises de ce secteur dont les substantiels profits échappent à de nombreux fiscs dans le monde. Mais ces discussions multilatérales ont pour l'heure échoué.
"La juste part"
Le 17 juin, prenant acte de l'absence de progrès sur le dossier, le secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin, avait annoncé une pause dans les discussions, suscitant la réprobation des pays partenaires et la crainte de la France de se voir imposer des tarifs douaniers sur des produits phares comme le vin. Vendredi, le Fonds monétaire international a exhorté à un accord international pour résoudre ce conflit. "Il est très important d'éviter les guerres commerciales, il est important d'éviter les guerres sur les fiscalités", a souligné Vitor Gaspar, directeur du département des affaires fiscales du Fonds monétaire international dans un entretien à l'AFP.
"Un accord serait très important (...) pour l'économie mondiale", a-t-il ajouté, soulignant que réduire a minima l'évasion fiscale était un outil prioritaire à l'avenir, à disposition des Etats pour trouver de nouvelles sources de revenus et réduire leur dette publique. Il a souligné que la démarche entreprise dans le cadre de l'OCDE était "très importante dans la mesure où il y a une perception selon laquelle des entreprises extrêmement profitables et qui rayonnent à l'échelle mondiale, ne paient pas leur juste part en matière de fiscalité".
"Il y a la perception que le système de fiscalité internationale qui avait été négocié dans le cadre de la Société des Nations il y a environ 100 ans, n'est plus adapté à son objectif", a-t-il poursuivi.