Tensions entre l’Inde et le Pakistan : jusqu’où peut aller l’escalade ?

Frontière Inde Pakistan Cachemire NARINDER NANU / AFP
Des soldats indiens à la frontière avec le Pakistan. © NARINDER NANU / AFP
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avec AFP , modifié à
La tension s’est brutalement aggravée entre l’Inde et le Pakistan, mercredi. La communauté internationale redoute un conflit entre ces "frères ennemis", tous deux dotés de l’arme nucléaire.
ON DÉCRYPTE

La région du Cachemire est en proie à une sévère poussée de fièvre. La tension entre l’Inde et le Pakistan est encore montée d’un cran mercredi, après que les deux pays ont chacun affirmé avoir abattu des avions ennemis. Cette crise, déclenchée mardi par une opération indienne contre un camp islamiste en territoire pakistanais, fait craindre un conflit ouvert entre les "frères ennemis" d’Asie du Sud, qui se disputent depuis des décennies la région du Cachemire. Europe 1 fait le point sur cette escalade militaire, qui suscite l’inquiétude de la communauté internationale.

Pourquoi ce regain de tensions ?

La tension est vive depuis un attentat suicide qui a coûté la vie à 40 paramilitaires indiens, le 14 février dernier, dans la partie du Cachemire contrôlée par l’Inde. L’attaque, la plus meurtrière depuis le début de l’insurrection séparatiste contre le gouvernement indien en 1989, a été revendiquée par le groupe djihadiste Jaish-e-Mohammed (JeM), une organisation basée au Pakistan. Les autorités indiennes, qui accusent de longue date le Pakistan de soutenir ces groupes rebelles, ont alors mené une opération de représailles.

Mardi, des avions indiens ont pénétré pour la première fois depuis 1971 au Pakistan pour procéder à une frappe aérienne "préventive" contre un camp d’entraînement du groupe Jaish-e-Mohammed. Mais le bilan de cette opération reste flou alors que l’Inde assure avoir tué "un grand nombre de terroristes", tandis que le Pakistan affirme qu’il n’y a eu ni dégâts, ni victimes.

La tension est encore montée d’un cran mercredi. Le Pakistan a affirmé avoir abattu deux avions indiens dans l’espace aérien pakistanais, puis a publié une vidéo montrant un pilote indien capturé. L'Inde a également déclaré avoir abattu un avion pakistanais, ce qu'a démenti Islamabad. Des villageois, contactés par l’AFP, ont eux décrit d’intenses échanges d’artillerie le long de la Ligne de contrôle, le nom donné à la frontière de facto au Cachemire.

Comment réagissent les deux pays ?

Si la situation reste extrêmement tendue sur le terrain, les gouvernements indiens et pakistanais ont tenté de jouer l’apaisement mercredi. "Pouvons-nous nous permettre le moindre mauvais calcul avec le genre d'armes que nous avons et que vous avez ?", s’est interrogé le Premier ministre pakistanais Imran Khan, en référence à l'arsenal nucléaire des deux pays. "Si l'escalade commence ici, jusqu'où cela ira-t-il ?", a-t-il lancé lors d'un bref discours télévisé mercredi, avant de demander au gouvernement indien de "venir à la table des négociations". L'Inde a de son côté assuré "ne pas souhaiter d'escalade", par la voix de la ministre des Affaires étrangères Sushma Swaraj.

Mais la situation politique en Inde pourrait influer sur la suite des événements. Le Premier ministre Narendra Modi est sous pression, à quelques semaines des élections prévues en avril et mai prochain. Modi, qui cultive une image d’homme fort, a été pressé par son opinion publique de procéder à une réplique musclée après l’attentat du 14 février dernier. Dans ce contexte, le Premier ministre indien acceptera-t-il la main tendue par son homologue pakistanais ? "On ne peut pas écarter le risque d'une escalade sachant qu’on a déjà franchi des lignes rouges. Le contexte électoral pousse le Premier ministre Modi à la fermeté. S'il perd la face, ce serait catastrophique pour lui", a analysé Christophe Jaffrelot, directeur de recherches au CERI-CNRS et spécialiste de l'Inde et du Pakistan, mercredi soir sur Europe 1. 

La région du Cachemire, pomme de discorde depuis des décennies

Cette escalade militaire n’est cependant pas une première au Cachemire, région à majorité musulmane que se disputent les deux pays dans un conflit qui a fait des dizaines de milliers de victimes depuis près de 70 ans. L’Inde et le Pakistan ont déjà livré deux guerres dans cette zone de l’Himalaya, en 1949 et en 1965. La frontière, qui sépare de facto les "frères ennemis", est l’une des zones les plus militarisées au monde, avec des forces indiennes estimées à près de 500.000 hommes et des accrochages réguliers entre les deux camps.

Les événements de ces derniers jours inquiètent donc la communauté internationale, qui craint un conflit ouvert entre les deux puissances nucléaires. Les États-Unis, la Chine, la Grande-Bretagne, la France et la Russie ont exhorté l'Inde et le Pakistan à la "retenue", tout comme la représentante de la diplomatie européenne Federica Mogherini.