Le plan A du Brexit rejeté, Theresa May est à nouveau sur le ring pour porter son plan B, sur lequel le Parlement britannique doit se prononcer mardi. Depuis des mois, on assiste au combat de la Première ministre, à Londres comme à Bruxelles. Mais qui est-elle vraiment ? Et d'où lui vient cette résistance qui semble à toute épreuve ? Europe 1 a enquêté auprès de ses proches.
Toujours très impliquée localement. Le fief de Theresa May est situé à Maidenhead, à 50 kilomètres de Londres, sa circonscription depuis 1997. Richard Kellaway, le président du bureau local des conservateurs, connaît la Première ministre depuis 20 ans. Aujourd'hui, il reçoit des coups de fil d'électeurs de toutes tendances politiques qui veulent transmettre leur soutien à Theresa May.
"Dans la circonscription, ça impressionne qu'elle vienne toujours autant à des événements locaux. Récemment encore, elle était à Bruxelles à 15 heures, et à 18 heures, elle était ici pour une inauguration dans une école", assure-t-il au micro d'Europe 1. Mieux, elle adore le porte-à-porte. "Elle est Première ministre, mais elle continue à le faire une à deux fois par mois", raconte Richard Kellaway. Admiratif, il poursuit : "Elle travaille énormément. Comme vous le savez, elle souffre de diabète, elle a des injections tous les jours. Alors avec les voyages et tout, c'est impressionnant comme elle tient le coup."
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Un mari très présent et de rares amis. Pour Theresa May, la politique, c'est toute sa vie. C'est d'ailleurs au parti conservateur qu'elle a rencontré son mari, un banquier, Philip May. Il est son roc. On l'aperçoit très souvent dans la galerie du public quand son épouse est attaquée au Parlement. L'autre figure centrale dans la vie de Theresa May, c'est son père, aujourd'hui disparu. Ce vicaire anglican lui a transmis son sens du devoir et un attachement très fort au service public.
Theresa May a si peu d'amis politiques que personne n'avait jamais parié sur elle comme Première ministre. Elle s'entoure de technocrates, pas de politiciens, et elle ne fait confiance qu'à quelques conseillers et hauts fonctionnaires.
"Un personnage très timide". Autre caractéristique étonnante : elle est extrêmement réservée, à des années-lumières du charisme d'un David Cameron ou d'un Tony Blair. "C'est un personnage très timide. Elle n'apprécie pas être le centre de l'attention dans une pièce", confirme Tom McTague, journaliste à Politico. "On peut dire qu'elle est carrément mal à l'aise en société. Elle fuit les bavardages et les mondanités." Les journalistes basés au Parlement sont régulièrement conviés à des cocktails à Downing Street, pour la soirée de Noël ou la 'Summer party' par exemple. "Je me souviens à une occasion lui avoir demandé ce qu'elle avait prévu pour les fêtes, et elle a juste répondu : 'La deuxième phase du Brexit'. La situation était très gênante, car c'était un moment où l'on était clairement censés socialiser, parler de choses et d'autres, et notamment de ce qu'on allait faire en famille", raconte-t-il sur Europe 1.
Ambitieuse et entêtée. Si elle est arrivée au sommet du pouvoir, c'est parce que Theresa May est animée par une grande ambition, souvent sous-estimée par son entourage. Ses collègues de la Banque d'Angleterre, là où elle a démarré, n'auraient d'ailleurs jamais parié qu'elle se lancerait en politique.
Elle est aussi devenue Première ministre un peu par défaut. En 2016, tous ses adversaires ont fini par abandonner, si bien qu'il ne restait plus qu'elle pour rentrer à Downing Street. Philip Lee est l'un de ses rares amis. Il a été l'un de ses sous-secrétaires d'Etat, mais a fini par démissionner à cause de leur désaccord sur le Brexit. S'il a "toujours admiré sa résilience et sa détermination", il tient à la mettre en garde. "À un moment donné, il faut faire attention que l'attachement à votre mission ne vous fasse pas devenir inflexible. Dans l'impasse actuelle, ses qualités l'empêchent de trouver une solution. On préfère foncer contre les rochers plutôt que changer la direction. Cela n'est d'aucune aide, ni pour le parti, ni pour le pays." Il glisse : "Nous saurons si notre amitié peut reprendre seulement une fois que le Brexit sera derrière nous, quoi qu'il en ressorte."
Aujourd'hui, Theresa May est plus que jamais isolée, après avoir encaissé la pire défaite jamais subie par un Premier ministre britannique. Mais qui pourrait lui succéder ? Le Parlement britannique est tellement divisé qu'aucun autre leader ne peut émerger. Et Theresa May, qui tient à sa postérité, ne compte pas renoncer tant que le Brexit n'est pas réglé. Selon son entourage, elle ne s'en ira que contrainte et forcée.