Trafic de drogue: plus de 120 prévenus dans un procès hors normes à Bruxelles

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Un méga-procès pour trafic de drogues débute lundi à Bruxelles pour juger plus de 120 prévenus - belges, albanais, maghrébins ou colombiens - confondus en bonne partie grâce aux décryptages des messageries Encrochat et Sky ECC.

Le dossier porte sur un vaste trafic international de cocaïne et de cannabis, démantelé par la police belge en collaboration avec celles d'Italie et d'Allemagne. La drogue était acheminée dans des conteneurs en provenance respectivement d'Amérique du Sud et du Maroc, via les ports d'Anvers, Rotterdam, Hambourg et Le Havre. Avant d'être écoulés sur tout le continent européen.

Les débats doivent s'ouvrir à 08H45 devant le tribunal correctionnel délocalisé au Justitia, l'ancien siège de l'Otan reconverti en enceinte judiciaire ultra-sécurisée. Le procès était censé démarrer début novembre, mais a connu plusieurs faux départs en raison d'une demande de récusation des juges du tribunal. Cette requête de plusieurs avocats de la défense a finalement été rejetée.

Les faits poursuivis portent sur la période janvier 2017-novembre 2022. L'accusation dit avoir identifié différents groupes criminels, "structurés, hiérarchisés", présentant entre eux "des liens commerciaux illicites" ou "de connexité".

 

Il leur est notamment reproché d'avoir exploité ensemble des laboratoires de transformation de la cocaïne découverts sur le sol belge. Un chef présumé albanais, un associé algérien, des exécutants identifiés sur trois continents (Europe, Amérique du Sud, Afrique): au total 124 personnes sont jugées. Ce à quoi s'ajoutent quatre entreprises établies en Belgique, soupçonnées d'être uniquement vouées à la dissimulation d'activités illicites.

Outre les saisies opérées dans les ports ou les laboratoires, et les aveux obtenus de certains suspects, l'enquête s'est appuyée sur des informations interceptées sur Encrochat et Sky ECC. Ces systèmes téléphoniques cryptés, très prisés des criminels, avaient été démantelés en 2020 et 2021 grâce aux efforts conjoints des polices néerlandaise, française et belge.

"Un procès à l'italienne"

Certains prévenus sont en fuite et seront jugés par défaut. D'autres doivent comparaître libres. La plupart sont en détention préventive en Belgique depuis leur arrestation.

Pour les autorités belges, ce dossier, surnommé "Encro", est celui de tous les superlatifs. Les 200 perquisitions menées simultanément en Belgique le 9 mars 2021 à la suite du décodage de Sky ECC ont été "la plus grande opération policière jamais entreprise" en Belgique, a rappelé le ministre de la Justice Paul Van Tigchelt à la veille du procès.

Il a souligné que le cap de "1.000 condamnations individuelles" liées à des dossiers Sky ECC ouverts devant les tribunaux belges venait d'être franchi ce mois-ci. Il y a selon lui plus de 2.000 inculpés et près de 400 dossiers pour la seule province d'Anvers, celle du gigantesque port belge devenu la première porte d'entrée de la cocaïne en Europe.

 

"Il est clair que nous portons des coups très durs au crime organisé dans notre pays", s'est félicité ce ministre libéral flamand. Participation à une organisation criminelle, violation de la législation sur les stupéfiants, trafic d'armes, etc: une grosse dizaine d'infractions sont visées dans ce procès. Il est aussi question de séquestration et de tentative d'extorsion au préjudice de certains acteurs du dossier.

Des avocats de la défense ont ironisé sur le coté "fourre-tout" de la procédure. "On essaie d'imiter les grands procès de la mafia italienne, c'est une sorte de coup de comm'!", a grincé Guillaume Lys, avocat d'un prévenu bruxellois. 

Selon ce pénaliste, il y a dans ce méga-procès "des dizaines de dossiers qui auraient dû être jugés séparément". Le procès devrait durer plusieurs mois et un jugement n'est pas attendu avant mi-2024.