Lorsque Donald Trump a annoncé sa candidature à la présidence américaine le 16 juin 2015, il était probablement le seul à y croire. Jugé bien peu crédible par les médias américains, le milliardaire faisait le show, multipliant les promesses non étayées - "je serai le meilleur président des emplois que Dieu n'ait jamais créé". "Un clown se présente à l'élection présidentielle", avait alors été jusqu'à titrer The Daily News.
Dix-sept mois plus tard, le "clown" républicain de 70 ans, qui n'a jamais occupé de mandat électif, a été élu président de la première puissance mondiale. Preuve ultime que, tout au long de la campagne, les observateurs ont sous-estimé la colère d'une partie de l'électorat : des Américains se sentant laissés-pour-compte, trahis par les élites et inquiets d'accords commerciaux internationaux qu'ils voient comme une menace pour leurs emplois.
Un franc-parler décapant. Sans la concrétiser, Donald Trump avait déjà caressé à plusieurs reprises l'ambition de se lancer dans la course à la Maison-Blanche. "Un jeu" ou encore "une fanfaronnade", pour certains médias. En juin 2015, USA Today ironise même : "Cette fois, Donald Trump annonce qu'il est candidat." Formidable bateleur au franc-parler décapant, ancien animateur d'une émission de télé-réalité célèbre aux Etats-Unis, "The Apprentice", le businessman semble entrer en campagne par goût du défi.
Dans le discours annonçant sa candidature, Donald Trump dresse un portrait très noir des Etats-Unis, en train, selon lui, de devenir "un pays du Tiers-monde". Il dénonce l'attitude des politiciens, "qui parlent mais ne font rien", promet de construire un mur à la frontière mexicaine pour lutter contre l'immigration clandestine et accuse le Mexique d'envoyer aux Etats-Unis ses "criminels, trafiquants de drogue, violeurs". Pendant des semaines, sur les chaînes de télévision, Trump assure le spectacle, se positionnant comme le candidat du changement contre la corruption des élites
Politiquement incorrect. Les gens s'amusent, s'indignent. Mais Donald Trump a touché à un malaise profond dans l'Amérique blanche, modeste, que beaucoup ne voulaient ou ne pouvaient pas voir. Seize autre républicains sont candidats aux primaires présidentielles, dont Jeb Bush, fils et frère de président, ancien gouverneur de Floride, qui a derrière lui le parti et d'importants soutiens financiers. Donald Trump le ridiculise, l'appelle "basse énergie". Il affuble ses autres adversaires de surnoms ridicules comme "petit Marco" pour le sénateur de Floride au visage poupin Marco Rubio. Se moque du physique de la seule femme candidate, Carly Fiorina.
Le parti républicain essaie en vain de le tempérer, mais Trump cogne, avec des déclarations choc, anti-immigration, anti-libre échange, promettant de "rendre à l'Amérique sa grandeur". Il a des solutions simples à tous les problèmes complexes, promet de "détruire" l'organisation djihadiste Etat islamique. Il fait l'éloge du président russe Vladimir Poutine. Et les foules, très majoritairement blanches, se pressent à ses meetings, répétant avec jubilation ses slogans et lui pardonnant tous ses excès. Elles aiment ce ton nouveau, politiquement incorrect, miroir de leurs frustrations et inquiétudes. Le milliardaire, qui avait invité les Clinton à son troisième mariage et jouait parfois au golf avec Bill, a endossé pour ces Américains inquiets l'habit de l'outsider anti-élites.
Des connaissances approximatives. Le trop plein de candidatures aux primaires permet au "clown" Trump de gagner l'investiture du parti républicain. Les anciens présidents George Bush père et George W. Bush, ainsi que l'ancien candidat à la présidence Mitt Romney, refusent de participer à la convention républicaine où il sera investi en juillet candidat du parti. La hiérarchie du parti, de plus en plus, tord le nez. Mais elle n'arrive pas à stopper la tornade Trump, qui finance au départ lui-même sa campagne.
Sur Twitter, Donald Trump n'hésite pas à dire ce qu'il pense sans aucun filtre. Lors des trois débats présidentiels, face à la démocrate Hillary Clinton qui connaît ses dossiers sur le bout des doigts, il apparaît mal préparé, avec une connaissance approximative des sujets évoqués. Trois fois, la presse, qu'il accuse jour après jour d'être biaisée, le donne perdant. Et les Américains suivent ces épisodes de près : le premier débat bat tous les records d'audience avec 84 millions de téléspectateurs.
"Hillary la crapule". Jusqu'au bout, la campagne du milliardaire est émaillée de crises et attaques en tout genre de sa part, contre un juge latino, contre le père musulman d'un soldat mort en Irak, contre son adversaire démocrate surnommée "Hillary la crapule". Plusieurs fois, il change d'équipe de campagne. Plusieurs fois aussi, la presse le donne mort, notamment après la publication en octobre d'un enregistrement des années 80, où il se vantait, en tant que star, de pouvoir faire n'importe quoi aux femmes.
Lundi, dans ses derniers meetings de campagne, Donald Trump a promis un "Brexit puissance trois", référence au vote surprise des Britanniques pour une sortie de l'Union européenne. Il a tenu parole. Et une majorité des Américains ont décidé de lui donner une chance, même si les deux-tiers pensent que le milliardaire de l'immobilier n'a pas le tempérament pour occuper la Maison Blanche. Pourquoi ? Son discours semblait simpliste, excessif, mais tout y était. Et il a porté.