Aux Etats-Unis, ce 9 novembre 2016 restera comme un jour historique. Le jour de l'avènement d'un candidat populiste sans aucune expérience politique, le jour de l'effondrement d'un parti démocrate désavoué car trop associé à l'establishment de Washington, mais aussi le jour où les prédictions des experts, journalistes et sondeurs américains se seront révélées complètement erronées. Comme en Grande-Bretagne quelques mois plus tôt, lorsque les médias avaient annoncé la victoire du "in", la presse américaine s'est montrée incapable de pressentir la montée en puissance du candidat Trump. Pourquoi ?
Pour leur défense, précisons avant tout que le système électoral américain rend l'opinion publique plus difficilement "sondable". Le scrutin étant divisé par Etat, selon la règle du "winner takes it all", il fallait pouvoir dessiner les tendances dans chacun des 50 territoires qui constituent les Etats-Unis. Mais même dans une perspective nationale, les sondages indiquaient tous pour la plupart une avance de trois à quatre points en moyenne pour Hillary Clinton. Or, selon les estimations (jeudi, le décompte officiel n'était pas encore arrêté), la candidate démocrate n'aurait finalement que 0,1 point d'avance sur son concurrent en terme de vote populaire.
Ils ont sous-estimé le vote contestataire des Etats du Midwest
Autre explication de cette erreur d'appréciation, que soulignait déjà Michael Moore dans une tribune sur le Huffington Post en juilletdernier, le poids déterminant des Etats du Midwest. En 2012, le républicain Mitt Romney avait perdu l'élection présidentielle pour 64 grands électeurs. Or, le Michigan, l'Ohio, la Pennsylvanie et le Wisconsin pèsent très exactement 64 élus à eux quatre. "Oubliez la Floride, le Colorado ou la Virginie", traditionnels swing states indispensables pour l'emporter, écrivait alors Michael Moore, "Trump n'en a même pas besoin".
Dans ces régions, certains des derniers sondages réalisés plaçaient déjà Trump en tête devant Hillary, sans que leur importance soit soulignée. La plupart des médias américains tenaient des Etats comme le Michigan pour acquis à Hillary Clinton. Bien mal leur en a pris, puisque le candidat républicain s'est imposé dans ces quatre Etats, porté par le mécontentement de la classe populaire blanche, sinistrée économiquement. Avant de s'adjuger également la Caroline du Nord et la Floride, pour faire complètement mentir les pronostics.
Ils n'ont pas assez rappelé la relativité des sondages
Les nombreux sondages réalisés pendant la campagne donnaient presque unanimement Hillary Clinton vainqueur. Mais cela ne signifie pas que ces tendances ne puissent pas être démenties dans certains cas. D'abord parce qu'une étude d'opinion a une valeur limitée dans le temps, elle s'apparente à une photographie prise à un instant bien précis. Ensuite parce que ces sondages comportent toujours une marge d'erreur, faible mais suffisante pour relativiser une tendance : si la marge atteint 5% et que le rapport de force est à 51-49 en faveur d'Hillary Clinton, la dynamique pro-Clinton doit être minimisée. Enfin, les sondages relevaient une forte proportion d'indécis (5%)jusqu'à la veille du vote, qui à la manière des swing states, font souvent basculer une élection.
La théorie d'un vote caché pour Trump
Pour le coup, difficile de jeter la pierre aux médias, qui en avaient largement parlé lors des derniers jours avant le scrutin. A la manière des électeurs FN en France, la presse américaine envisageait la possibilité d'un "vote caché" pour Trump de la part d'électeurs refusant de partager leurs sentiments et leurs opinions auprès des sondeurs. C'est du moins la théorie que défend Howard Fineman, éditorialiste au Huffington Post.