Une polémique a pris de l'ampleur mercredi en Tunisie après la mort d'un nouveau-né et l'interpellation d'une médecin résidente sur des soupçons "d'erreur médicale", ravivant le débat sur le manque de moyens dans les hôpitaux publics.
Une médecin résidente interpellée. Un bébé né prématuré est décédé samedi à l'hôpital Farhat Hached de Sousse, dans l'est du pays, dans des conditions controversées. Dans un communiqué, la direction de l'hôpital a rapidement assuré que l'équipe médicale avait effectué "tous les efforts nécessaires pour réanimer le nourrisson alors qu'il était dans un état grave". Mais une médecin résidente de l'établissement a été ensuite interpellée dans la nuit de samedi à dimanche, suscitant la colère de la profession.
Grève et appels à manifester. Malgré l'ouverture d'une "enquête médicale d'urgence" et sa libération sous caution lundi, une grève dans les secteurs publics et privés - hors services d'urgence - a été observée mercredi et des appels à manifester dans tout le pays ont été lancés. "Médecins et fiers de l'être", "Médecin, pas assassin", "Médecin menacé, soins limités", ont clamé des centaines de participants à Tunis. Ils ont fustigé à la fois le traitement médiatique de l'affaire et le "cadre juridique obsolète" en matière de "responsabilité médicale", selon eux.
"Aujourd'hui, c'est au médecin de prouver qu'il n'a pas commis d'erreur". Une délégation a été reçue par les services du Premier ministre. À sa sortie, elle a annoncé qu'une rencontre aurait lieu jeudi avec le chef du gouvernement Youssef Chahed. "Nous réclamons l'adoption (au Parlement, ndlr) de la loi sur la responsabilité médicale et la protection des médecins pour pouvoir exercer dans un cadre juridique" adéquat, avait au préalable expliqué un délégué syndical, Mohamed Kamel Gharbi. Avocat spécialisé en droit médical, Saber Ben Ammar a de son côté appelé dans le quotidien La Presse à "définir clairement l'erreur médicale. "La législation ne l'a pas fait. Aujourd'hui, c'est au médecin de prouver qu'il n'a pas commis d'erreur".
La polémique prend de l'ampleur. Ces derniers jours, entre le témoignage de la jeune médecin interpellée, les accusations du père du nourrisson ou la prise de parole de la ministre de la Santé, la controverse s'est vite propagée dans l'opinion publique, certains internautes arguant que la profession n'était pas "au-dessus des lois". Elle a été avivée par une information selon laquelle le petit corps était resté des heures "dans une boite en carton" avant d'être remis à la famille, une pratique qualifiée d'"ordinaire" par des intervenants sur des plateaux TV et radio. Sur Mosaïque FM, le porte-parole du tribunal de Sousse, Mohamed Raouf Youssefi, a pour sa part avancé mercredi que le rapport médical avait fait l'objet de "modifications".
Dans ce contexte, des médias ont estimé que l'affaire, faisant suite à d'autres cas controversés, venait rappeler le manque de moyens des hôpitaux publics et le risque de voir une partie du corps médical quitter le pays pour exercer dans de meilleures conditions. Dans ces établissements publics, il arrive qu'"un médecin ne trouve même pas un scalpel, un stérilisateur ou un détergent pour maintenir les conditions minimales d'hygiène", a dénoncé La Presse dans un éditorial.