"Je ne réalise pas encore, je suis sous le choc" : Après 132 jours de détention provisoire, la romancière turque Asli Erdogan est sortie de prison jeudi soir, mais son combat judiciaire n'est pas terminé. "Je ne m'attendais pas du tout à être libérée", a déclaré l'écrivain, traits tirés, mine épuisée, devant la prison pour femmes de Bakirköy, à Istanbul, dont elle a pu sortir avec la linguiste Necmiye Alpay, 70 ans. Un tribunal d'Istanbul avait ordonné quelques heures auparavant la remise en liberté sous contrôle judiciaire des deux intellectuelles, qui restent poursuivies avec sept autres personnes pour avoir collaboré avec le journal prokurde Ozgür Gündem.
Le procès reprend en janvier. Zana Bilir Kaya, ancien rédacteur en chef du quotidien Ozgür Gündem - fermé par décret-loi en octobre car accusé de "propagande terroriste" pour le compte de la rébellion kurde - devrait également sortir de prison sous contrôle judiciaire, sur décision de justice, selon l'agence presse turque Anadolu. Les neufs accusés dans ce procès risquent la peine de prison à perpétuité pour appartenance à une "organisation terroriste", en l'occurrence le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Asli Erdogan et Necmiye Alpay ont interdiction de quitter le territoire turc. Le procès reprend le 2 janvier.
"Ils te jettent dans un trou". "Ils te prennent et te jettent dans un trou. C'est très dur, c'est comme si j'étais encore à l'intérieur", a confié la romancière à sa sortie de prison, avant d'éclater en sanglots. Les proches de l'auteure n'ont eu de cesse de demander sa remise en liberté après son incarcération le 19 août, mettant en avant son état de santé fragile. Physicienne de formation et lauréate de nombreux prix, Asli Erdogan - qui n'a aucun lien de parenté avec le président Recep Tayyip Erdogan - a vu ses romans traduits dans plusieurs langues. Le dernier paru traduit en français, Le Bâtiment de pierre (Actes Sud, 2013), dénonce la torture et les conditions de détention en Turquie.