La Turquie lève dans la nuit de mercredi à jeudi l'état d'urgence instauré il y a deux ans après un putsch avorté et dans le cadre duquel de vastes purges ont été menées, mais l'opposition craint qu'il ne perdure de fait à travers une nouvelle loi "antiterroriste".
Une tentative de putsch... Ce régime d'exception, qui élargit considérablement les pouvoirs du président et des forces de sécurité, a été mis en place le 20 juillet 2016, quelques jours après une sanglante tentative de coup d'État qui a secoué la Turquie dans la nuit du 15 au 16 du même mois.
... qui a abouti à d'importantes purges. Sous l'état d'urgence, les autorités turques ont mené pendant deux ans une traque implacable contre les putschistes et leurs sympathisants présumés, mais ont aussi visé des opposants prokurdes accusés de "terrorisme", des médias critiques et des ONG.
Activé pour une durée initiale de trois mois, l'état d'urgence a été prolongé à sept reprises et la dernière extension expire mercredi à minuit (heure française). Le gouvernement a indiqué qu'il n'y aurait pas de nouvelle rallonge.
Pendant les deux années écoulées, la Turquie a vécu au rythme de purges incessantes qui ont conduit à l'incarcération de près de 80.000 personnes soupçonnées de liens avec le putsch ou avec le "terrorisme". Plus de 150.000 fonctionnaires ont en outre été limogés ou suspendus.
Un président aux pouvoirs renforcés. La levée programmée de l'état d'urgence survient moins d'un mois après des élections remportées par Recep Tayyip Erdogan qui ont doté l'homme fort de la Turquie de pouvoirs renforcés, aux termes d'une révision constitutionnelle controversée adoptée l'an dernier.
L'état d'urgence a notamment permis à Recep Tayyip Erdogan d'émettre pendant deux ans des décrets à valeur de loi qui ont profondément modifié la législation turque. Aux termes de la réforme constitutionnelle, le président turc conservera cette prérogative après l'état d'urgence.
Des restrictions permanentes bientôt inscrites dans la loi ? L'enthousiasme de la fin de l'état d'urgence pourrait être de courte durée, avec l'introduction au Parlement cette semaine d'un projet de loi soutenu par le parti de Recep Tayyip Erdogan qui contient plusieurs mesures inspirées des dispositions de l'état d'urgence.
Ainsi, selon l'agence de presse étatique Anadolu, le texte permet aux autorités de continuer, pour les trois années à venir, de limoger tout fonctionnaire lié à une "organisation terroriste". En outre, les administrateurs publics nommés pendant l'état d'urgence à la tête d'entreprises soupçonnées de liens avec une "organisation terroriste" pourront rester en place pendant encore trois ans.
Autres mesures : les manifestations et rassemblements seront, sauf autorisation spéciale, interdits après le coucher du soleil. Les autorités locales pourront restreindre l'accès à certaines zones et la garde à vue pourra durer jusqu'à 12 jours, selon la nature du délit.