C'est peu dire que les fidèles musulmans réunis vendredi dans l'ex-basilique Sainte-Sophie, à Istanbul, ont religieusement écouté la prière du jour. Et pour cause, c'était la première depuis 85 ans dans ce bâtiment très récemment reconverti en mosquée. Seuls le président turc, Recep Tayyip Erdogan, et quelques invités de marque, ont pu y assister à l'intérieur, pandémie de coronavirus oblige. Mais plusieurs milliers de personnes se sont massées, dès le début de la matinée, sur l'esplanade devant l'édifice et dans les rues adjacentes.
Faire de Sainte-Sophie une mosquée était "un rêve d'enfant", a indiqué Recep Tayyip Erdogan après une cérémonie remplie de symboles. L'appel à la prière a duré 45 minutes, beaucoup plus qu'habituellement. Et le tapis qui recouvrait le sol de la mosquée était turquoise, couleur choisie personnellement par le président, avec des fibres pointant vers la Mecque.
Une reconversion religieuse mais aussi très politique
La date, également, n'avait rien d'un hasard. Ce 24 juillet est en effet le jour du 97ème anniversaire du traité de Lausanne qui fixe les frontières de la Turquie moderne et que le président, nostalgique de l'Empire ottoman, appelle souvent à réviser.
Pour nombre d'observateurs, la reconversion de Sainte-Sophie en mosquée vise à galvaniser la base électorale conservatrice et nationaliste de Recep Tayyip Erdogan, dans un contexte de difficultés économiques aggravées par la pandémie. En prenant cette décision, le chef de l'Etat, souvent accusé de dérive islamiste, s'attaque aussi à l'héritage du fondateur de la République, Mustafa Kemal, qui avait transformé Sainte-Sophie en musée pour en faire l'emblème d'une Turquie laïque.
Cette reconversion a d'ailleurs fait grincer bien des dents. Le pape François s'est dit "très affligé" et, en guise de protestation en Grèce, les églises orthodoxes devaient faire sonner leurs cloches ce vendredi.