Le président turc Recep Tayyip Erdogan inaugure vendredi un troisième pont sur le Bosphore. Cet ouvrage, battant des records mondiaux de longueur, vient s'ajouter à sa liste de réalisations spectaculaires dans sa chère ville d'Istanbul. Comme pour ses autres "projets fous" censés redonner à Istanbul le lustre que cette ville, dont il a été le maire, avait sous l'empire ottoman, Tayyip Erdogan a voulu qu'on aille vite. Très vite.
Un Français pour réaliser le pont. Le président aurait probablement préféré une actualité plus souriante pour l'inauguration de l'ouvrage, un des ponts suspendus les plus longs du monde, moins d'une semaine après un attentat qui a fait 54 morts dans le sud-est et un mois et demi après un putsch raté qui n'en finit pas de secouer le pays. "Ce pont met la Turquie au premier plan mondial, c'est le plus spectaculaire construit ces dernières années", a déclaré son concepteur, le Français Michel Virlogeux, qui a entre autres conçu le Viaduc de Millau (sud de la France) et le Pont de Normandie (ouest).
Une structure hybride. Le pont est à la fois suspendu et haubané, "très original" puisqu'aucun pont de ce genre n'a été construit dans le monde depuis le 19e siècle et le célèbre pont de Brooklyn. Jeté entre les rives européenne et asiatique du Bosphore, il a la plus grande portée du monde, avec 1.408 mètres entre deux pylônes. L'ouvrage, qui comporte deux fois quatre voies pour la circulation et deux voies ferrées, possède aussi un tablier très large : 58,50 mètres. "Le gouvernement turc avait demandé une grande qualité architecturale" et nous avons voulu "que la chaussée autoroutière et le train soient au même niveau", quand généralement les trains sont en dessous et la chaussée au-dessus.
Un besoin de décongestionner Istanbul. Avec une hauteur de 323 mètres, les pylônes du plus long pont ferroviaire du monde sont moins hauts que ceux du viaduc de Millau mais rivalisent avec la Tour Eiffel (324 m). D'un coût total de près 900 millions de dollars (798 millions d'euros), le troisième pont du Bosphore est une pièce maîtresse d'un méga-projet autoroutier de 150 km Anatolie-Europe censé décongestionner Istanbul, métropole de 18 millions d'habitants qui suffoque. "Le pont va soulager le trafic (à Istanbul) de 30% et alléger la pression sur les deux autres ponts" du Bosphore, affirme le ministre des Transports Ahmet Arslan.
Un projet titanesque qui ne plaît pas à tout le monde. Mais les détracteurs de ces projets estiment que cela ne fera qu'étendre la métropole tentaculaire vers la mer Noire. Ils soulignent qu'aucune enquête d'impact environnemental n'a été réalisée pour ce pont, dont les autoroutes d'accès vont traverser la forêt de Belgrade, "poumon vert" d'Istanbul.