Les 28 pays de l'UE vont tenter lundi de s'accorder sur la réforme de la directive du travail détaché, au cœur d'une vive bataille l'été dernier entre Paris et les pays de l'Est, Pologne en tête.
Une réforme du travail détaché. Plus de dix-huit mois après une proposition de la Commission européenne de réviser les règles européennes encadrant le détachement - un système permettant à des Européens de travailler dans un autre pays que le leur, tout en cotisant dans leur pays d'origine -, les ministres du Travail de l'Union se réunissent sur la question à Luxembourg.
Éviter une concurrence déloyale. L'objectif majeur, a déclaré Marianne Thyssen, commissaire européenne aux Affaire sociales sur France Inter, c'est d'avoir un "salaire égal, à travail égal, sur un même lieu de travail". En effet, dans la directive initiale, qui date de 1996, il est simplement spécifié que les travailleurs détachés doivent toucher le salaire minimum du pays d'accueil. Or l'élargissement de l'UE à l'Est en 2004, avec l'arrivée de dix nouveaux pays, aux niveaux de vie et salaires plus bas, a bouleversé la donne, engendrant une concurrence déloyale entre entreprises et du dumping social.
En révisant la directive, l'exécutif européen veut désormais que toutes les règles valables pour les travailleurs locaux s'appliquent aux détachés : ainsi, par exemple, si le pays d'accueil prévoit une prime de froid, de pénibilité, d'ancienneté, un treizième mois, ces bonus devront aussi leur être versés.
Un accord le plus rapidement possible. Le président français Emmanuel Macron, qui à peine élu avait réclamé un durcissement de la réforme, s'en prenant à la Pologne et aux trois autres pays du groupe de Visegrad (Hongrie, République tchèque, Slovaquie), partisans d'un statu quo, a indiqué vendredi "souhaiter finaliser le plus rapidement possible un accord".
Trois points de blocage. Trois points posent cependant encore problème. Premièrement, la durée du détachement : l'exécutif européen a proposé de le limiter à 24 mois, mais la France, qui a réussi à convaincre l'Allemagne, les pays du Benelux et l'Autriche, plaide pour 12 mois. Deuxièmement, la date d'application de la nouvelle directive : Paris souhaiterait qu'elle s'applique dans les deux ans suivant son adoption. La Commission a proposé trois ans, les pays de l'Est réclament cinq ans.
Le transport routier, un dossier sensible. Et troisièmement, le transport routier : ce dernier point est particulièrement délicat, car les pays de Visegrad, mais aussi l'Espagne et le Portugal, s'inquiètent des conséquences négatives de la réforme sur leurs chauffeurs. Et s'ils s'opposent ensemble à une révision, un accord ne pourra pas être trouvé.
Selon deux sources proches du dossier, un compromis pourrait se dessiner, en appliquant aux chauffeurs routiers l'ancienne directive du travail détaché concernant la rémunération - c'est-à-dire qu'ils recevraient le salaire minimum du pays d'accueil, mais pas les primes -, jusqu'à ce qu'une autre réforme consacrée au transport routier spécifie les règles pour ce secteur.