Quelques centaines de femmes défilent dans les rues de Kiev le 7 février dernier. Anastasia, 37 ans, mène le cortège : elle réclame le retour de son mari Vitali, cinquantenaire, logisticien dans les tranchées et épuisé après deux ans au front dans le cadre du conflit armé entre la Russie et l'Ukraine. "Je remarque tous ces moments où je dois le soutenir moralement, lui parler de telle sorte qu'il ne se laisse pas aller", explique-t-elle à l'envoyé spécial d'Europe 1, estimant que "pour ceux qui comme lui, sont là-bas depuis deux ans, seule la démobilisation les sauvera".
Les mêmes hommes au front depuis le début du conflit
De timides manifestations de femmes dans la capitale et dans les plus grandes villes d'Ukraine se tiennent, presque deux ans après le début de la guerre. Les habitants découvrent ainsi, ces derniers mois, qu'il s'agit bien souvent des mêmes hommes qui sont envoyés au front, ceux qui se sont engagés dès le début du conflit.
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Alors qu’une loi prévoyant d'"élargir la conscription" est en discussion au Parlement ukrainien, ces femmes estiment que leurs hommes ont déjà accompli leur devoir. À l'instar d'Anastasia, elles réclament leur démobilisation et leur remplacement par d’autres, ceux qui évitent la guerre, pour défendre le pays. C'est une sorte de quadrature du cercle de l'armée ukrainienne : les premières lignes ne peuvent rester sans défenseur.
"Cela fait deux ans sans mon père, c’est très dur", confie un jeune garçon
Anastasia et les autres femmes mettent donc la pression sur le gouvernement pour que la loi sur la conscription élargie passe enfin. "La mobilisation doit aller de pair avec la démobilisation. Mais bon sang, ce n'est pas à nous de dire comment faire correctement cette loi ! Une vraie mobilisation pour que les gens aillent se battre... Les gars doivent savoir quand ils vont revenir", avance cette compagne d'un soldat toujours mobilisé sur le front.
Aujourd'hui, ces femmes ont la sensation d’être malvenues dans une société divisée. "Nous sommes une menace pour ceux qui n'ont pas encore servi", confie-t-elle, "mais ils finiront au front. Les morts, les blessés, il faut bien les remplacer." Après ces mots, Ivan, son fils, lève les yeux de sa console et se confie : "Cela fait deux ans sans mon père, c’est très dur. J'attends, j'ai 6 ans."