Une nouvelle tentative d'évacuation de civils se prépare samedi dans le port ukrainien de Marioupol tandis que les appels à la trêve en Ukraine à l'occasion de la fête orthodoxe de Pâques semblent rester lettre morte. Alors que la guerre entrera dimanche dans son troisième mois, une tentative d'évacuation de civils depuis Marioupol est prévue vers midi, a annoncé la vice-Première ministre ukrainienne Iryna Verechtchouk, avertissant toutefois que les forces russes pourraient vouloir organiser un autre couloir d'évacuation en parallèle, vers la Russie.
Plusieurs couloirs humanitaires ont déjà dû être annulés en dernière minute à Marioupol, port stratégique du Sud-Est détruit en grande partie par plusieurs semaines de bombardements. Moscou et Kiev se sont rejetés la responsabilité de ces échecs. Moscou avait assuré jeudi avoir "libéré" Marioupol et le président russe Vladimir Poutine avait ordonné d'assiéger, sans assaut, le complexe métallurgique Azovstal où sont retranchés des combattants ukrainiens. Ces derniers "tiennent bon" dans l'usine où se trouvent également des civils, a rétorqué Kiev vendredi.
Cette semaine a débuté la "deuxième phase de l'opération spéciale" lancée en Ukraine le 24 février par Moscou. "L'un des objectifs de l'armée russe est d'établir un contrôle total sur le Donbass et le Sud de l'Ukraine", a affirmé vendredi un haut responsable militaire russe.
Les troupes russes, qui se sont retirées fin mars de la région de Kiev et du Nord de l'Ukraine, occupent déjà une grande partie de l'Est et du Sud du pays. Il s'agit désormais d'"assurer un couloir terrestre" vers la Crimée et un accès à la Transnistrie, région moldave prorusse où se trouve une garnison russe, a détaillé le général Roustam Minnekaïev, commandant adjoint des forces du District militaire du Centre de la Russie.
"Cela ne fait que confirmer ce que j'ai dit à plusieurs reprises : l'invasion russe de l'Ukraine n'était censée être que le début, et ensuite ils veulent capturer d'autres pays", a estimé vendredi soir le président ukrainien Volodymyr Zelensky, commentant les plans russes.
"Tous les peuples qui, comme nous, croient en la victoire de la vie sur la mort, doivent se battre avec nous", a poursuivi Volodymyr Zelensky. Il a accusé la Russie d'avoir "apporté la mort en Ukraine", ajoutant: "la mort n'a aucune chance de gagner sur la vie, tout chrétien le sait".
"Armes nécessaires"
Les forces ukrainiennes continuent selon lui "de contenir les attaques des envahisseurs russes" dans l'Est et le Sud et le "défi numéro un" est actuellement "de fournir à nos militaires toutes les armes nécessaires".
Les autorités ukrainiennes, qui ont obtenu ces derniers jours une aide en armements plus substantielle des Occidentaux, continuent d'assurer qu'elle peuvent repousser l'armée russe hors de leur sol mais ont réclamé une trêve pascale. Celle-ci a été "rejetée" par Moscou, avait pesté jeudi Volodymyr Zelensky.
Le président du Conseil européen Charles Michel a demandé vendredi à Vladimir Poutine Poutine de garantir des corridors humanitaires à Marioupol. "Appel avec le président Poutine. Les corridors humanitaires à Marioupol et dans les autres villes assiégées doivent être immédiats, spécialement à l'occasion de Pâques orthodoxe" le dimanche 24 avril, a tweeté Charles Michel.
Le Kremlin a affirmé cependant que Kiev refusait la reddition des derniers soldats ukrainiens présents à Azovstal, alors que l'armée russe se disait prête à observer "à tout moment" une trêve "sur tout ou partie" de ce site pour permettre l'évacuation de civils et la reddition de combattants.
"Le succès de l'offensive russe dans le Sud dépend du sort de Marioupol", a estimé le gouverneur régional, Pavlo Kyrylenko dans un entretien avec l'AFP.
"Crimes de guerre"
L'ONU a répertorié vendredi une série d'actions des militaires russes "pouvant relever de crimes de guerre". La société américaine Maxar Technologies a diffusé des images satellite révélant, selon elle, "l'existence d'un deuxième cimetière qui s'est étendu au cours du dernier mois", à Vynohradne, à une douzaine de kilomètres de Marioupol. Un premier ensemble de possibles fosses communes avait été récemment mis au jour à Manhush (ouest de Marioupol).
Durant la nuit de vendredi à samedi, les canaux d'information ukrainiens n'ont fait état, de manière inhabituelle, d'aucun déclenchement nocturne de sirènes d'alerte, mais aucune baisse notable n'était observable dans le nombre de frappes revendiquées par l'armée russe pour la nuit et lors des dernières 24 heures.
L'armée russe a mené pendant la nuit, selon son porte-parole Igor Konachenkov, des frappes de missiles de haute précision contre 11 cibles militaires ukrainiennes, dont sept concentrations de troupes et d'équipements, et trois dépôts de munitions près de la localité de Tchervonnoe, ainsi que des frappes aériennes contre 66 cibles ukrainiennes, dont trois dépôts de munitions près des localités d'Aleksandrovka, Komar et Bogatyr.
Lors des dernières 24 heures, l'armée russe dit avoir procédé à 1.098 frappes avec de l'artillerie et des roquettes. À Kharkiv, dans l'Est, les habitants ont ainsi vécu une nouvelle nuit de terreur. "Cette nuit a été effrayante", a affirmé à l'AFP une mère de famille, Yelena, les yeux cernés et rougis de larmes.
"Il y a eu deux frappes, plus tard il y en a eu d'autres, nous ne pouvions plus dormir, nous avons passé toute la nuit dans un couloir", a-t-elle ajouté. Vendredi, la Russie a reconnu pour la première fois des pertes sur son croiseur Moskva, navire-amiral de la flotte de la mer Noire qui a coulé le 14 avril. Un marin est mort et 27 sont portés disparus, selon le ministère russe de la Défense.
Le naufrage du Moskva est largement considéré comme une humiliation pour la Russie, et même des commentateurs pro-Kremlin ont réclamé des explications. Moscou affirme que le navire a sombré à cause de l'explosion de munitions à bord et de mauvaises conditions météo ayant contrecarré les opérations de remorquage. Mais l'Ukraine dit avoir coulé le bâtiment avec des missiles.