Plus de trois quarts des enfants et jeunes adultes tentant de migrer vers l'Europe par la Méditerranée centrale sont victimes d'abus lors de leur dangereux périple, s'alarment deux agences de l'ONU dans un rapport publié mardi.
Abus, trafics, coups et discriminations. L'Unicef, spécialisée dans les droits de l'enfant, et l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) s'inquiètent en particulier du sort des migrants originaires d'Afrique sub-saharienne, dans ce rapport basé sur les témoignages de "quelque 22.000 migrants et réfugiés, incluant quelque 11.000 enfants et jeunes". "La réalité absolue, c'est qu'il est désormais courant que les enfants traversant la Méditerranée soient victimes d'abus, de trafics, de coups et de discriminations", conclut Afshan Khan, directrice régionale de l'Unicef en Europe, citée dans un communiqué.
Près de 8 sur 10 en sont victimes. Selon le rapport des deux agences, 77% des enfants et jeunes migrants essayant de rejoindre l'Europe par la Méditerranée centrale font état "d'expériences directes d'abus, d'exploitation et de pratiques assimilables à du trafic d'être humains". "Ils utilisent des mots comme 'torture, tabassage, meurtre, esclavage, trafic, viol', non pas comme des concepts abstraits (...) mais comme leur réalité", a rapporté la directrice de l'Unicef à Bruxelles, Sandie Blanchet, lors d'une conférence de presse.
Principalement des migrants originaires d'Afrique sub-saharienne. Ceux qui sont originaires d'Afrique subsaharienne "sont beaucoup plus susceptibles de subir de l'exploitation et du trafic que ceux venant d'autres parties du monde", souligne le rapport. Il pointe "le racisme" comme un probable "facteur sous-jacent" de ce traitement différencié en fonction de la couleur de peau. "La route migratoire de la Méditerranée centrale est particulièrement dangereuse, avec la plupart des migrants et des réfugiés traversant la Libye qui reste déchirée par le non-droit, les milices et la criminalité", est-il indiqué dans le rapport.
Également exposés à l'arrivée. Les jeunes migrants payent en moyenne leur voyage "entre 1.000 et 5.000 dollars" (entre 835 et 4.170 euros) "et arrivent souvent en Europe endettés, ce qui les expose à de nouveaux risques", est-il précisé.
"Nous devons continuer à être choqués". L'Unicef et l'OIM appellent "toutes les parties prenantes", aussi bien les pays d'origine que ceux de transit et de destination en Europe, à prendre des mesures spécifiques pour protéger ces migrants particulièrement vulnérables. Les deux agences demandent notamment d'établir "des voies sûres et régulières" pour les enfants, de "trouver des alternatives à la détention" pour les enfants migrants et "de combattre la xénophobie, le racisme et les discriminations à l'encontre de tous les migrants et réfugiés". "Nous devons continuer à être choqués, tristes et en colère", a plaidé le directeur de l'OIM pour l'Europe, Eugenio Ambrosi, mettant en garde contre une hausse du "cynisme" face aux récits répétés des souffrances des jeunes migrants.
Eugenio Ambrosi a aussi réclamé aux Européens une meilleure gestion des frontières, avec des experts formés à la prise en charge des mineurs, plutôt que de les traiter comme "un ennemi potentiel qui traverse illégalement notre 'frontière sacrée'".