Le parquet européen a annoncé ce jeudi 14 novembre le démantèlement dans l'UE d'un vaste réseau de fraude à la TVA impliquant la mafia italienne, conduisant à une quarantaine de mandats d'arrêt et à la saisie de biens pour 520 millions d'euros. Sur requête des antennes du Bureau du procureur général européen (BPGE) à Milan et Palerme, un juge milanais a pris ces mesures visant à réprimer une "association de malfaiteurs ayant pour objet la fraude à la TVA intra-communautaire dans le commerce de produits informatiques et le blanchiment de ses profits", indique le BPGE dans un communiqué.
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Le succès de l'enquête félicité dans toute l'Union
L'enquête a permis d'évaluer à 1,3 milliard d'euros le montant des fausses factures émises. Outre l'Italie, des perquisitions et des saisies sont encore en cours dans les pays de l'Union européenne concernés par cette fraude, notamment en Espagne, au Luxembourg, en République Tchèque, en Slovaquie, en Croatie, en Bulgarie, à Chypre et aux Pays-Bas, ainsi qu'en Suisse et aux Emirats arabes unis, selon la même source. Au total, 200 personnes et plus de 400 sociétés sont concernées par l'enquête en cours baptisée "Moby Dick".
La Première ministre italienne Giorgia Meloni a félicité les enquêteurs, estimant que le succès de l'opération témoignait de "l'engagement du gouvernement à lutter contre l'évasion fiscale", évaluée en Italie à plus de 80 milliards d'euros chaque année, soit près de 4% de son produit intérieur brut. Sept personnes sont visées par des mandats d'arrêt européens dont quatre en République tchèque, aux Pays-Bas, en Espagne et en Bulgarie. Des biens et des sommes d'argent pour un montant supérieur à 520 millions d'euros ont été saisis. Les dirigeants de ce réseau sont aussi accusés d'avoir "favorisé des associations criminelles mafieuses".
En l'occurrence, il s'agit d'un clan de Cosa Nostra, la mafia sicilienne, et de deux clans de la Camorra, la mafia napolitaine, selon l'agence Ansa. Europol a précisé jeudi dans un communiqué que "rien qu'en Italie, 129 comptes bancaires sont gelés et 192 biens immobiliers ont été saisis, ainsi que 44 voitures et bateaux de luxe". La fraude à la TVA dite "carrousel" coûte à l'Union européenne près de 50 milliards d'euros par an, selon les dernières estimations disponibles d'Europol. Elle implique plusieurs entreprises établies dans au moins deux Etats membres de l'UE. Elle consiste à obtenir la déduction ou le remboursement de la TVA afférente à une livraison intracommunautaire de biens alors que cette TVA n'a pas été reversée à l'administration fiscale concernée.
En l'espèce, cette fraude "carrousel" dans le commerce des produits électroniques et informatiques a impliqué plusieurs pays de l'UE (Pays-Bas, Luxembourg, Espagne, République tchèque, Slovaquie, Bulgarie et Roumanie), ainsi que des membres de la criminalité organisée de Sicile et de Campanie (région de Naples). "Anticipant les bénéfices énormes du business des fraudes carrousel, ils sont entrés dans ce secteur en fournissant des financements, recyclant ainsi des revenus provenant d'autres activités criminelles", a précisé le parquet.
"Moby Dick est une enquête déterminante pour le BPGE. Cela fait un certain temps que nous avons commencé à tirer la sonnette d'alarme sur la forte implication des groupes dangereux du crime organisé dans la fraude au budget de l'UE", a commenté la cheffe du parquet européen Laura Kövesi, citée dans un communiqué. "Au-delà des dommages colossaux qu'ils créent, nous avons mis en garde contre la menace que représente leur activité dans ce domaine pour notre sécurité intérieure. Nous faisons aujourd'hui la lumière sur une première affaire d'envergure", s'est-elle félicitée.
Cette opération "montre qu'il n'existe pas deux mondes criminels distincts. D'un côté, le monde des criminels vraiment mauvais et dangereux qui font de la contrebande de drogue et de la traite d'êtres humains; de l'autre, le monde des criminels en col blanc qui se contentent de corrompre et de blanchir de l'argent", a-t-elle conclu.