"Je croyais que Kim-Jong-Il pouvait lire dans mes pensées, que je devais faire attention en permanence", se souvient Yeonmi Park. La Nord-Coréenne, qui a fui son pays à l’âge de 13 ans, milite désormais pour les droits de l’Homme depuis la Corée du Sud et vient de publier Je voulais juste vivre, aux éditions Kero. Invitée de Thomas Sotto jeudi, la jeune femme aujourd'hui âgée 22 ans a livré un témoignage rare : celui d’une enfance sous la dictature de Kim-Jong-Il, père et prédécesseur de l’actuel leader nord-coréen Kim-Jong-Un.
Les "méchants Américains". Pour Yeonmi Park, "le concept de mineur" n’existe pas en Corée du Nord. "J’ai le souvenir d’être une révolutionnaire du régime", raconte-t-elle, de passage à Paris. La jeune femme se rappelle l’énoncé d’un problème de mathématiques "classique" de sa scolarité : "Il y a quatre méchants Américains. Vous en tuez deux, combien de méchants Américains reste-t-il ?" Dans sa classe, il est question de "l’impérialisme japonais et de l’impérialisme américain", mais jamais des autres pays du monde. "Je ne connaissais pas l’Afrique, le Canada, l’Australie…", raconte-t-elle.
Interdiction de porter des jeans. Jusqu’à ses treize ans et sa fuite vers la Corée du Sud, après un passage par la Chine, Yeonmi Park n’a pas eu le droit de porter un jean ou d’écouter de la musique. "Le gouvernement lavait notre cerveau. L’un de mes premiers souvenirs, c’est ma mère qui me dit : 'ne murmure pas, parce que les souris t’entendent'. Les gens vivent dans la paranoïa, on ne peut pas se rebeller."
"Il n'y a que ce que le gouvernement nous dit." Une seule radio, une seule chaîne de télévision, un seul journal… "Là-bas, il n’y a que ce que le gouvernement nous dit", explique Yeonmi Park. A son arrivée en Corée du Sud, le décalage est immense : "On me demandait quelle était ma couleur préférée, ce que je voulais faire plus tard", se souvient-elle. "Je ne savais pas, je n’y avais jamais pensé. Me rendre compte qu’en tant qu’individu, j’avais une importance et des droits, c’était difficile".
Kim-Jong-Un, un homme "très dangereux". Aujourd’hui, le régime de Kim-Jong-Un menace la famille de Yeonmi Park, restée en Corée du Nord. "C’est le prix à payer quand on essaie de parler pour défendre l’injustice", déplore la jeune femme. "Il me semble que cet homme, qui réduit à la famine un peuple tout entier depuis des années, est très dangereux", prévient la militante des droits de l’Homme, qui prend la menace nucléaire nord-coréenne très au sérieux : "Si ce type de dictateur peut traiter des êtres humains de cette manière dans son pays, qu’est-ce qui nous dit qu’il ne va pas s’attaquer à nous ?"