La disparition du MH370 reste à ce jour l'un des plus grands mystères de l'aviation. Le 8 mars 2014, le Boeing 777 de la Malaysia Airlines naviguant entre Kuala Lumpur et Pékin est porté disparu avec 239 personnes à son bord, dont une majorité de ressortissants chinois. Sept ans plus tard, malgré plusieurs années d'enquête officielle, l'avion n'a jamais été retrouvé et les circonstances de cet évènement restent toujours inconnues. Depuis lors, Florence de Changy enquête elle aussi sur cette disparition. Journaliste et correspondante du "Monde" en Asie, elle a d'abord publié un livre "Le Vol MH370 n'a pas disparu", en 2016, et revient avec une nouvelle enquête, "Vol MH370 : La disparition". Au micro de Frédéric Taddeï, sur Europe 1, elle fait part de ses principales découvertes et hypothèses sur cette énigme.
Vous avez mené cette longue enquête seule. Sur quelles sources vous appuyez-vous ?
La particularité de cette enquête, c'est qu'elle repose sur beaucoup de petites sources différentes, y compris les documents officiels à la fois publics et confidentiels, mais aussi des tout petits témoins. Et parfois des petites phrases. Quelqu'un qui me dit : "Tu sais, la Maison-Blanche appelait tous les jours le gouvernement malaisien". Un officiel haut placé au ministère de la Défense qui dit au neveu du pilote : "Je suis désolé pour le MH370. Ce sont des collateral damages". Ou encore l'ambassadeur chinois qui parle aux familles dès le lendemain du drame : "C'est très compliqué. On ne peut pas vous expliquer ça". Ce sont juste des petits indices, ça n'a pas valeur de preuve, mais ça vous fait progresser.
Vous pensez que le scénario le plus plausible est que l'avion s'est abimé en mer sur son trajet, pourquoi ?
J'ai commencé par disséquer la version officielle et j'ai compris qu'il n'y avait rien dans celle-ci. J'avais de très bonnes sources qui avaient mentionné, dès le début, la présence de deux Awacs américains (des avions qui fonctionnent comme des stations radars volantes) sur zone et que les Américains savent ce qui s'est passé. Cette source a d'ailleurs d'abord parlé à Ghyslain Wattrelos, un Français qui a perdu une partie de sa famille. En 2016, j'avais déjà cette information, mais je ne savais pas quoi en faire.
>> LIRE AUSSI - Vol MH370 de la Malaysia Airlines : "Je pense que l'avion a été abattu et qu'on ne veut pas dire pourquoi", affirme Ghyslain Wattrelos
J'ai aussi rencontré un militaire américain qui m'a glissé que la capacité de brouillage des Awacs était "phénoménale". Et j'ai émis l'hypothèse que ces deux Awacs avaient tout simplement brouillé le MH370 en le prenant en sandwich. J'ai trouvé plusieurs autres éléments, notamment le fait que le signal du MH370 disparaît de manière progressive des écrans radar de Hô Chi Minh et de Kuala Lumpur, ce qui est totalement incohérent avec l'idée qu'il aurait éteint son transpondeur. Autre élément, le système qui s'appelle FlightRadar24, où on voit tous les avions qui volent dans le monde entier en direct, montre que quand le MH370 disparaît, plusieurs petits avions autour de lui disparaissent momentanément également, mais eux réapparaissent.
Il y a un autre élément qui est cohérent avec ça, c'est qu'à 2H25, le Satcom de l'avion se rallume. C'est dans tous les rapports officiels mais on a fait l'impasse sur cet élément. Pourquoi l'avion pourrait communiquer à nouveau ? Ça veut dire que les Awacs se sont dégagés. À ce moment-là, l'avion arrive très proche de l'espace aérien chinois. Et il semble assez cohérent que pour deux Awacs américains, il est hors de question d'y pénétrer.
Selon vous la disparition du vol MH370 est due à une raison d'Etat, potentiellement liée à une cargaison bien spécifique.
2.5 tonnes d'une cargaison n'a pas été scannée. Ça n'arrive jamais qu'on puisse mettre à bord d'un avion civil une cargaison qui n'a pas été scannée. On nous dit que ce sont des talkies walkies et des chargeurs de batterie. Sauf que l'explication dans le rapport officiel pour laquelle on n'a pas pu faire passer ce fret par les machines de scan, c'est qu'il était trop volumineux. Ça n'a aucun sens. Il est également écrit dans le rapport officiel que ce cargo a été amené depuis Penang en camion escorté. Donc on en arrive à un scénario du type confiscation de cargaison ou quelque chose comme ça. Mais c'est la partie hypothétique de mon livre.
Qu'est-ce qui pourrait expliquer la décision d'abattre l'avion ?
Un plan A, ce n'est jamais de tirer sur un avion civil. Donc, si cet appareil a effectivement été détruit par un ou deux missiles, c'est la conséquence d'un plan qui a mal tourné. Logiquement, une tentative de détournement qui n'aurait pas fonctionnée, potentiellement parce que le pilote, dont j'ai beaucoup étudié la personnalité, aurait pu refuser d'obtempérer.
Un pilote de Vietnam Airlines a affirmé avoir capté un message de détresse du MH370. Quelle est la fiabilité de ce témoignage ?
C'est un message qui a été publié le lendemain de la disparition. Il disait que le pilote avait capté le MH370 en train de dire que sa cabine se désintégrait. C'est ce qu'on dit quand on a été touché par un missile et qu'on demande un atterrissage d'urgence, ce qui est extraordinaire. Si ce message est exact, on a la fin de l'histoire. Sauf que presque tout ce qui est en lien avec ce message a disparu, y compris tous les tweets qui le mentionnaient. Mais le pilote l'a dit à la télévision vietnamienne et j'ai les extraits. Pour moi, ça veut dire que c'est vrai.
Dans ce contexte, difficile d'imaginer que la Chine et le Vietnam ne sont pas au courant. Pourquoi ne disent-ils rien ?
Si ça s'est passé là, sous contrôle, et qu'on sait exactement où l'avion est tombé, une opération de nettoyage est un peu plus facile, même s'il il y a des débris. Mais les gens sur place sont des militaires et éventuellement quelques pêcheurs vietnamiens donc l'information est très bien contrôlée. Si les Américains ont fait cette énorme bavure, ils doivent acheter le silence du Vietnam, de la Chine et de la Malaisie. Et quand on regarde comment ont évolué les relations diplomatiques et les échanges entre ces différents pays, ce qu'on découvre est loin d'être incohérent avec cette idée.