En pleine crise économique, le Parlement vénézuélien affronte le président Nicolas Maduro qui dénonce un coup d'État parlementaire.
L'opposition vénézuélienne de centre droit et le gouvernement socialiste se livrent mercredi à un nouveau bras de fer : les premiers cherchant à mobiliser en masse dans les rues, tandis que le président Maduro s'accroche au pouvoir et tente de reprendre l'initiative.
Une visite surprise au pape. Dans ce pays pétrolier en plein naufrage économique sous l'effet de la chute des cours du brut, la crise n'en finit plus de s'aggraver alors que les deux camps s'accusent mutuellement de "coup d'État". Lundi, le coup de poker de Nicolas Maduro, qui, de retour d'une tournée au Moyen-Orient, a fait une escale-surprise à Rome pour s'entretenir avec le pape François, a bousculé le jeu politique au Venezuela. En parallèle, un envoyé du Vatican s'entretenait au Venezuela avec des responsables de l'opposition et du gouvernement pour tenter de rétablir le dialogue, entraînant une certaine confusion.
Après avoir été acceptée par certains, l'offre de dialogue a ensuite été très vite rejetée par d'autres figures de l'opposition, faisant éclater au grand jour les divisions de la MUD, la vaste coalition de la Table pour l'unité démocratique qui a remporté les élections législatives, fin 2015. Ces annonces surprises de discussions survenaient à un moment d'extrême tension, après la suspension par le Conseil national électoral (CNE) du processus en vue d'un référendum révocatoire de Nicolas Maduro, qui devait entrer dans sa dernière ligne droite cette semaine.
Un appel à manifester. À la suite de cette décision des autorités électorales, l'opposition a appelé à de grandes manifestations, mercredi matin, pour exiger le départ du président, élu en 2013 et dont le mandat expire en 2019. Jusqu'ici, la stratégie des antichavistes (du nom de l'ex-président Hugo Chavez, 1999-2013) a été d'organiser mobilisation sur mobilisation, avec plus ou moins de succès, alors que la population se décourage et craint des débordements violents.
L'ouverture d'un procès en destitution. L'opposition a accentué la pression mardi en réunissant le Parlement, seul organe dont elle a le contrôle, pour voter l'ouverture d'un procès en destitution contre Nicolas Maduro, qu'elle accuse de "coup d'État". Les députés ont adopté "l'ouverture d'une procédure contre Nicolas Maduro" afin d'examiner sa "responsabilité pénale, politique et les manquements au devoir de sa charge", selon la résolution. En outre, le Parlement, que le président ne reconnaît plus et que le Tribunal suprême de justice (TSJ) a déclaré en infraction car il compte dans ses rangs trois députés soupçonnés de fraude, a convoqué le chef de l'État mardi prochain afin qu'il "se soumette au vote du peuple".
La portée de ce vote n'est pas claire, le TSJ ayant bloqué tous les projets de loi du Parlement depuis qu'il a basculé dans l'opposition en janvier, mettant fin à 17 ans d'hégémonie chaviste. Et si le procès en destitution n'existe pas en tant que tel dans la Constitution vénézuélienne, la procédure pour manquements au devoir de sa charge, lorsque le chef de l'État ne remplit plus ses fonctions, y figure bien, soulignent les juristes.
La convocation d'un conseil de défense national. En réponse à cette procédure, qu'il dénonce également comme un "coup d'État", Nicolas Maduro a convoqué mercredi à 16 heures (heure de Paris) un conseil de défense national, afin que "tous les pouvoirs publics puissent évaluer le putsch parlementaire de l'Assemblée nationale". Cette entité, prévue par la Constitution vénézuélienne, est composée, en plus du président vénézuélien, des représentants des pouvoirs législatif et judiciaire, ainsi que des ministres de la Défense, de l'Intérieur et des Affaires étrangères.
Or, en dehors du président du Parlement Henry Ramos Allup, qui n'a pas encore indiqué s'il comptait s'y rendre, les autres membres sont considérés comme des proches du camp gouvernemental. Jeudi soir, l'opposition a assoupli sa position concernant la "réunion plénière" de dialogue prévue dimanche sur l'île Margarita, dans le nord du pays, où le président Maduro a d'ores et déjà annoncé qu'il se rendrait. Après y avoir opposé un refus, les antichavistes conditionnent désormais leur participation à un changement de lieu : la capitale au lieu de l'île Margarita.
Au centre du conflit : la crise économique. L'opposition rend responsable Nicolas Maduro, héritier politique d'Hugo Chavez, de la profonde crise économique qui se traduit par une pénurie de 80% des aliments et l'inflation la plus élevée au monde (475% cette année puis 1.660% en 2017, selon le FMI). Les Vénézuéliens aussi lui en veulent : plus de six sur dix se disent prêts à voter pour sa révocation.