Julian Assange peut souffler. Le socialiste Lenin Moreno a remporté l'élection présidentielle de dimanche en Équateur, avec 51,14 % des voix selon les résultats publiés lundi. Dès la publication de résultats partiels ( à 94 %), dimanche soir, le fondateur de Wikileaks a félicité Lenin Moreno, pour sa victoire face à son adversaire conservateur, Guillermo Lasso. "J'invite cordialement M. Lasso à se retirer de l'Équateur dans les 30 prochains jours (avec ou sans ses millions offshore) #AssangeSILassoNO" (#AssangeOUILassoNON), a écrit Julian Assange en espagnol.
Madero sur la même ligne que Correa. Si Julian Assange est si enthousiaste ainsi, c'est que son sort est lié à cette présidentielle équatorienne. Le candidat socialiste et successeur désigné du président sortant Rafael Correa, entend poursuivre la politique menée par son prédécesseur. Dimanche, il a réaffirmé qu'il maintiendrait la décision prise il y a six ans de voir le fondateur de Wikileaks rester dans l'ambassade "tant qu'un sauf-conduit ne lui aura pas été accordé pour gagner notre pays ou le pays de son choix". A l'inverse, le candidat conservateur avait promis de réviser l'asile accordé à Julian Assange réclamé par la Suède.
Depuis 2012, Julian Assange a trouvé asile à l'ambassade de l'Équateur à Londres après avoir été accusé de viol par la justice suédoise. Il vit aussi sous la menace d'une extradition aux Etats-Unis, et risque de lourdes peines pour avoir diffusés des documents diplomatiques et militaires confidentiels, notamment sur les guerres en Irak et en Afghanistan grâce à sa plateforme Wikileaks.
Le pays avait choisi d'accorder l'asile politique à Assange afin de s'affirmer en défenseur de la liberté d'expression dans un environnement plutôt hostile. "Les groupes de presse sont financés par des grands groupes industriels et défendent généralement la ligne conservatrice", précise Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à l'Iris (Institut de relations internationales et stratégiques), spécialiste de l'Amérique latine et de l'Espagne. "La pluralité d'expression n'existe pas", pointe-t-il. "Avec cette décision, le président sortant souhaitait également montrer qu'il était soucieux de conserver sa souveraineté notamment par rapport aux Etats-Unis".
Assange "assiégé". Pour Julian Assange, l'effet positif de la nouvelle est à nuancer. D'abord, car la situation dans laquelle il se trouve n'est pas si confortable que ça. La vie à l'ambassade ressemble plus à celle d'un prisonnier qu'à celle d'un vacancier. "Il est assiégé", souligne François-Bernard Huyghe, directeur de recherche à l'Iris, spécialiste de la communication, la cyberstratégie et l'intelligence économique. Impossible pour l'Australien de s'aventurer au delà des murs du bâtiment équatorien de Londres. "Ses perspectives consistent à passer les quatre prochaines années dans un appartement. Dans les faits, il est déjà en prison", assure-t-il.
François-Bernard Huyghe ne voit pas d'issue immédiate à la situation dans laquelle se trouve le fondateur de Wikileaks. "Il existe un pataquès juridique qui contraint Julian Assange à ne pas quitter l'ambassade, sauf de filer en douce dans une malle. Mais là on est plus dans 'Tintin et les cigares des pharaons' que dans la réalité", ajoute-t-il. "Julian Assange incarne l'idée de contre pouvoir avec cette création d'un outil qui permet aux lanceurs d'alerte de révéler des scandales, qui ont touché les Etats-Unis mais aussi Ben Ali. Les États-Unis sous Barack Obama, mais encore aujourd'hui sous Donald Trump - car ce dernier n'arrive pas à contrôler les services de renseignement - continuent de faire pression pour obtenir l'extradition de Julian Assange."
Le résultat des élections contesté. Le répit pourrait être de courte durée pour l'Australien. Aussitôt annoncé, le résultat des élections, très serré, (51, 14% pour Moreno et 48,86% pour Lasso ) a été contesté par le candidat de l'opposition. L'ex-banquier, qui s'était auparavant déclaré vainqueur à partir de sondages de sortie des urnes, a prévenu qu'il présenterait "le plus rapidement possible toutes les objections" contre d'éventuelles irrégularités du scrutin.
"L'écart de voix est trop faible et la situation trop tendue pour que le candidat conservateur accepte le résultat des élections", souligne Jean-Jacques Kourliandsky. "Il aurait fallu un écart de 3 points pour qu'aucune contestation ne soit faite", précise-t-il ajoutant que si le candidat de gauche s'était retrouvé dans la même position que le candidat conservateur, "il aurait sans doute lui aussi demandé un recours pour fraude". Julian Assange va donc devoir attendre avant de souffler...durablement.