Les Libériens votaient mardi, dans une ambiance sereine, pour déterminer qui, de la légende du football George Weah ou du vice-président Joseph Boakai sera le successeur d'Ellen Johnson Sirleaf à la tête d'un pays qui n'a plus connu de transition démocratique depuis trois générations.
"Respect du processus électoral." Quatorze ans après la fin d'une guerre civile ayant fait quelque 250.000 morts, le second tour de la présidentielle se déroulait "dans le respect du processus électoral", a affirmé à l'AFP la député européenne Maria Arena, qui dirige une mission de 81 observateurs de l'UE. Contrairement au premier tour le 10 octobre, le temps d'attente était court devant les bureaux de vote, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Le lendemain de Noël, date choisie pour un scrutin qui avait été initialement fixé au 7 novembre, pourrait avoir entraîné une baisse de la participation. Mais la fluidité des opérations est sans doute également due à une meilleure organisation par la Commission électorale nationale (NEC), dont le personnel "a été mieux formé", selon Madame Arena.
Premiers résultats attendus dans les prochains jours. "J'ai très facilement trouvé l'endroit où je devais voter. C'est génial", se réjouissait Gabriel Peters, un électeur de 27 ans. Ouverts comme prévu à 8h (9h en France), les bureaux de vote devaient fermer à 18h (19h en France) pour les quelque 2,1 millions d'électeurs enregistrés. Les premiers résultats sont attendus dans les prochains jours.
Le Liberia est un pays anglophone d'Afrique de l'Ouest meurtri par quatorze ans de guerre civile, entre 1989 et 2003, puis par l'épidémie d'Ebola, dont il peine à se redresser. Il vit encore sous l'ombre de Charles Taylor, 69 ans, ancien chef de guerre puis président, (1997-2003) condamné par la justice internationale à une peine de 50 ans de prison, qu'il purge en Grande-Bretagne, pour des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre perpétrés en Sierra Leone voisine.
George Weah : "C'est un jour historique. Je sais que je vais gagner"
George Weah a voté en milieu de matinée, acclamé par une foule alors qu'il se rendait dans son bureau de vote dans la banlieue de Monrovia. "C'est un jour historique. Je sais que je vais gagner", a déclaré Weah, qui, à 51 ans, reste très populaire auprès des jeunes.
Weah favori. "Weah sera le meilleur président d'Afrique, comme il a été le meilleur joueur de foot du continent", a assuré l'un de ses partisans, John Momoh. Star du PSG et du Milan AC dans les années 1990, Weah, qui avait viré en tête avec 38,4% des voix, part favori. Il bénéficie notamment du ralliement du sénateur et ancien chef de milice Prince Johnson (8,2%).
Sénateur depuis 2014 de la province la plus peuplée du pays, il a comme colistière Jewel Howard-Taylor, ex-femme de Charles Taylor et influente sénatrice de Bong, autre important réservoir de voix. Et il affirme avoir tiré les leçons de ses deux échecs face au "ticket" présidentiel Sirleaf-Boakai, comme candidat à la présidence en 2005 puis à la vice-présidence en 2011. "Cela ne peut pas se reproduire", a-t-il dit mardi.
Joseph Boakai : "Le peuple croit en nous et sait que nous sommes les meilleurs"
Dans l'autre camp, on ne s'avouait toutefois pas vaincu. "Nous allons gagner ! Parce que le peuple croit en nous et sait que nous sommes les meilleurs", a lancé Joseph Boakai, 73 ans, après avoir déposé son bulletin. "Nous accepterons le résultat, sous réserve qu'il respecte toutes les normes", a ajouté celui qui a contesté pendant des semaines l'issue du premier tour. "J'ai voté pour Joseph Boakai car il a l'expérience. Après 12 ans au pouvoir, il connaît les ficelles. Et il nous a dit qu'il ferait mieux qu'Ellen Sirleaf", a expliqué une électrice de 56 ans, Victoria Blamoh.
Le second tour a été reporté à la suite de recours du candidat arrivé troisième le 10 octobre, Charles Brumskine (9,6%), appuyé par Joseph Boakai (28,8%), qui avait dénoncé des "fraudes et irrégularités". Ellen Sirleaf, seule femme à avoir été élue chef d'Etat en Afrique et qui ne pouvait plus se représenter, cédera le 22 janvier le pouvoir à son successeur, élu pour six ans.
Ce scrutin tournera en tout état de cause une page dans l'histoire nationale. Car aucun des deux candidats n'appartient à l'élite "américano-libérienne", issue d'esclaves affranchis qui a dominé la plus ancienne république d'Afrique depuis sa création, à l'exception de la présidence de Samuel Doe (1980-1990).