Sur la mauvaise pente. L'équation se complique pour Canal+. Certes, le groupe, qui a publié ses résultats mardi, a enregistré une hausse de son chiffre d'affaires en 2013 (+5,9%, à 5,3 milliards d'euros). Mais son résultat d'exploitation a reculé de 3,7%, à 905 millions d'euros. Par ailleurs, c'est surtout grâce à l'international que Canal+ a vu ses revenus augmenter : le développement du groupe en Pologne et en Afrique a porté ses fruits. En revanche, en France, les clients ont continué à partir en 2013. Les offres Canal+ et CanalSat ont perdu 355.000 abonnements, selon Les Echos. Une perte qui n'est pas compensée par l'engouement pour le service de vidéo à la demande CanalPlay Infinity, qui a engrangé 170.000 clients supplémentaires l'an dernier.
>> Pourquoi Canal+ est-il fragilisé en France ? Comment compte-t-il contre-attaquer ? Éléments de réponse :
• BeIN Sports fait main basse sur les droits. Depuis 2012, Canal+ doit composer avec la concurrence du groupe qatari Al-Jazeera, qui a lancé ses chaînes BeIN Sports en France. Et l'année dernière, les nouveaux venus ont poursuivi leurs emplettes. Après avoir raflé la plupart des matches de Ligue 1 et de Ligue des champions, BeIN Sports s'est tournée vers d'autres disciplines. En 2013, la chaîne a piqué à Canal+ les droits télé du tournoi de Wimbledon, de l'Euroligue de basket ou encore des Mondiaux de handball.
>> La parade : surenchérir. Si elle n'a pas les moyens de conserver tous ses droits sportifs, Canal+ n'hésite pas à casser sa tirelire pour conserver ses évènements les plus prestigieux. En janvier, elle a ainsi déboursé le montant record 355 millions d'euros pour garder le Top 14 de rugby (photo), convoité par BeIN Sports. Et début 2013, elle avait déjà payé le prix fort pour le championnat anglais de foot et la Formule 1.
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• L'ogre Netflix pointe le bout de son nez. Sur son autre pilier de contenus, les films et séries, Canal+ fait également face à une nouvelle concurrence. Netflix, géant américain de la vidéo à la demande par abonnement, prépare son arrivée en France d'ici à la fin de l'année. Son immense catalogue de films et ses séries à succès, comme House of Cards, attireront-ils les abonnés de la chaîne cryptée ? En tout cas, le prix très attractif de Netflix (environ 6 euros par mois) pourrait jouer en la défaveur de Canal+, dont les offres peuvent dépasser les 40 euros…
>> La parade : se renforcer sur Internet. Mais la chaîne cryptée prépare activement le débarquement de Netflix. Canal+ mise d'abord sur sa propre offre de vidéo à la demande par abonnement, disponible à moins de 10 euros par mois. Le groupe a aussi lancé en janvier une nouvelle division dédiée aux nouveaux modes de consommation en ligne. Baptisée "Canal OTT", cette direction a notamment pour mission de "déployer des offres payantes via l'Internet ouvert", c'est-à-dire indépendamment des fournisseurs d'accès, un modèle similaire à celui de Netflix. Enfin, Canal+ cherche à se rapprocher des internautes en poursuivant le développement de son réseau de chaînes YouTube, lancé en décembre. Autant d'initiatives qui permettent au groupe de mettre en avant ses capacités d'anticipation : "nous cherchons constamment à nous adapter aux nouvelles pratiques des consommateurs", explique-t-on en interne.
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• La télé payante perd de l'attrait. Plus globalement, Canal+ souffre d'une désaffection pour la télévision par abonnement liée à la crise. Lors de la présentation des résultats, les dirigeants de la chaîne ont mis en avant le contexte économique difficile et la hausse des tarifs pour expliquer les pertes d'abonnés. Depuis plusieurs années, la chaîne cryptée souffre aussi du développement de la TNT gratuite : les téléspectateurs ont désormais accès à beaucoup plus de programmes… sans payer. Cette concurrence pourrait d'ailleurs s'accentuer prochainement, des chaînes payantes comme Paris Première et LCI (photo) ayant demandé à passer en clair.
>> La parade : investir la télévision gratuite. Par conséquent, Canal+ a décidé de se lancer elle aussi sur la TNT en clair. Le rachat de D8 et D17, en 2012, lui a permis de quasiment tripler ses recettes tirées de la télévision gratuite l'an dernier, à 172 millions d'euros. Il songe également à faire passer en gratuit sa chaîne documentaire Planète+, actuellement proposée sur la TNT payante. "Etre présent sur une offre payante de moins en moins attractive, ça n'a pas de sens", glisse-t-on au sein du groupe. Mais Canal+ sait qu'il n'est pas le bienvenu sur ce terrain. Selon BFM Business mercredi, le groupe a décidé de porter plainte contre TF1, M6 et France Télévisions devant l'Autorité de la concurrence. Elle les accuse de verrouiller les droits des films français, ce qui empêcherait D8 et D17 de les acquérir. Preuve que pour la chaîne cryptée, se faire une place sur la télévision gratuite ne sera pas une partie de plaisir.
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