"Liberté, égalité, actualité" : le nouveau slogan de France 24 a un ton assez franchouillard. A l'occasion de son septième anniversaire, la chaîne internationale d'information en continu a fait peau neuve la semaine dernière. L'opportunité pour elle de se réaffirmer, avec un nouvel habillage, une grille enrichie et un site web refondu, le tout dans ses trois langues de diffusion (français, anglais et arabe). Pourtant, les défis restent encore nombreux…
42 millions de téléspectateurs revendiqués. En sept ans, France 24 a-t-elle réussi à se faire une place dans le paysage très prisé des chaînes info internationales ? Disponible dans 177 pays, la chaîne revendique 42 millions de téléspectateurs dans les 55 pays pour lesquels elle dispose d'une mesure d'audience. Elle est la première chaîne d'information en français dans de nombreux pays d'Afrique francophone, mais fait aussi jeu égal avec les chaînes nationales au Maghreb, assure-t-on chez France Médias Monde, la holding qui coiffe France 24, ainsi que les radios RFI et Monte Carlo Doualiya.
Une mesure compliquée. Difficile, cependant, de savoir où en est France 24 par rapport à ses principaux concurrents. Car l'audience de ce type de chaîne est très difficile à comptabiliser. Pour la plupart des pays "mesurés", France 24 s'appuie sur les enquêtes menées par des instituts, comme l'étude Maghreboscope de TNS-Sofres, qui sonde l'audience télé en Afrique du Nord. Mais dans de nombreux pays, de tels outils n'existent pas. Impossible, par exemple, de mesurer l'audience de la chaîne en Birmanie, un pays dans lequel France 24 vient de faire ses débuts.
Ce qui est certain, c'est que France 24 reste distancée par les historiques du secteur. CNN International affirme être accessible dans 375 millions de foyers, tandis que BBC World News en revendique 350 millions. France 24, pour sa part, est visible dans 250 millions de foyers. Soit autant que la version anglaise de la qatarie Al Jazeera, qui dispose par ailleurs d'une force de frappe redoutable dans le monde arabe. France 24 n'est donc pas sur le podium. A l'heure actuelle, ses équivalents en termes de notoriété sont plutôt les Allemands de Deutsche Welle et les Espagnols de RTVE.
Des moyens limités. A sa décharge, France 24 ne peut pas compter sur des moyens aussi importants que les leaders du marché. En 2013, la dotation publique octroyée à France Médias Monde s'élevait à 238 millions d'euros, dont 53 millions pour la rédaction de France 24, précise la chaîne. Ce montant augmentera de 4 millions d'euros en 2014. "Mais notre budget reste entre deux à quatre fois inférieur à ceux de nos concurrents", confie un collaborateur à Europe1.fr.
Ainsi, BBC World News dispose de 400 millions d'euros, selon un chiffre indiqué récemment par la patronne de France Médias Monde. Le budget de CNN International serait encore supérieur. Quant à celui d'Al Jazeera, il est entouré du plus grand secret, mais l'ampleur des fonds alloués par le Qatar pour assurer son rayonnement à l'étranger ne laisse guère de doute sur l'épaisseur du portefeuille de la chaîne.
"Un regard français". Pour tenter malgré tout de jouer dans la cour des grands, France 24 compte sur la différenciation. La chaîne mise notamment sur sa liberté de ton. Ainsi, France 24 n'est pas "la voix de la France", mais porte un "regard français" sur l'actualité, martèle à l'envi sa direction. Un argument qui aurait notamment servi le canal arabophone. "Pendant le printemps arabe, les gens sur place étaient contents d'avoir une alternative à Al-Arabiya, la chaîne saoudienne, Al Jazeera, téléguidée par le Qatar, et CNN, jugée trop américaine", fait-on valoir en interne.
A la conquête de… la France ! Désormais bien installé en Europe et en Afrique francophone, France 24 veut poursuivre son expansion. Faute de moyens, le lancement d'une version espagnole a été reporté à 2015, empêchant une prochaine conquête de l'Amérique latine. En attendant, la chaîne compte se développer en Asie, en Amérique du Nord… et en France ! L'Etat vient en effet de donner son feu à une diffusion de France 24 sur la TNT gratuite en Ile-de-France.
Ce n'est peut-être qu'un début. Marie-Christine Saragosse, PDG de France Médias Monde, ne cache pas qu'elle souhaiterait pouvoir émettre sur tout le territoire français. "C'est important d'être vu dans son propre pays parce que ça donne une légitimité à l'international, un point d'appui fort pour prendre son élan vers le monde", expliquait-elle au micro d'Europe 1 la semaine dernière. Un projet qui suscite la colère d'Alain Weill, le patron de BFM TV, qui redoute qu'un nouveau venu ne vienne marcher sur ses plates-bandes. Preuve que même à la maison, France 24 est en territoire hostile.