La charge est rude. Rémy Pflimlin, dont la mandat s’achèvera l’été prochain, voit son action mise à mal dans le pré-rapport du CSA dévoilé par BFM Business. Un document qui n’a néanmoins pas encore été approuvé par le collège. Un “bilan mitigé” annonce le texte, long d’une centaine de pages. La faute à des "objectifs non atteints" et à des "insuffisances".
Contours flous et concurrence stérile. Échec. Le mot est lâché quand il s’agit d’évoquer l’identification des lignes éditoriales des différentes chaînes. Un problème récurrent pour France Télévisions qui a par exemple revu cette année le positionnement de France 4, désormais partagée entre chaîne jeunesse et chaîne pour jeunes urbains. Pas encore assez clair pour les auteurs de ce pré-rapport, qui appelle, ajoutant France Ô dans le compliment, à "redéfinir leur ligne éditoriale" si leur présence devait être maintenue tant ces chaînes ont "du mal à justifier leur nécessité sur un réseau hertzien national". Rien que ça !
Même traitement pour France 2 et France 3 : une "concurrence stérile" interviendrait entre les deux antennes, comme ces émissions d'Histoire et de patrimoine qui auraient plus leur place sur France 3 que sur France 2. Le texte va même jusqu’à mettre en cause la qualité des programmes qui ne permettraient pas de différencier France Télévisions et… les chaînes privées ! Et le Conseil d’appeler France Télévisions à ne pas avoir l’audience comme unique critère dans ses choix de programmation.
Séries, culture et marronniers dans le viseur. Un effort important sur les séries, c’est ce que le CSA réclamerait, selon ce document, avec un objectif : que les fictions de France 2 puissent mieux s’exporter. Le Conseil n’hésite pas non plus à égratigner l’information en tançant les reportages consacrés aux caprices de la météo ou aux embouteillages des vacances. Les émissions d’investigation trouvent, elles, grâce aux yeux des Sages, tout comme l’audience globale de France Télé et son bond en avant sur le numérique.
Côté culture, ce document déplore ce que fera par exemple France 3 ce mercredi soir : faire démarrer son opéra à 23h45 ! Le rapport préconise de s’intéresser à toutes les formes de culture, classique compris, avec des "horaires déterminés" et des contenus "compréhensibles".
Une direction trop instable. La présidence Pflimlin se voit aussi reprocher ses jeux de chaises musicales. Difficile de ne pas penser à France 2, ses trois directeurs généraux et ses quatre directeurs des programmes en quatre ans. Le texte cible aussi l’organigramme de France Télévisions avec trop de responsabilités croisées qui compliquent les prises de décision.
Les équipes de Rémy Pflimlin sont aussi critiquées pour les coûts de production trop élevés des programmes, plus chers que la concurrence. Trop de personnel, trop de lieux de travail différents : le pré-rapport appelle à un audit et à repenser la logique de "guichet automatique" avec les producteurs externes en évitant un "émiettage" des commandes.
De la réforme de France 3, le CSA retient qu’elle s’est "enlisée" alors qu’il s’agit d’un "enjeu majeur" pour le groupe. Cette réforme vise à renforcer la mission de proximité de la chaîne, elle qui ne propose que 11,5% de temps d’antenne à ses programmes régionaux, quand la chaîne y consacrait en 2013 la moitié de son budget. Là encore, des centres de décisions trop nombreux sont pointés du doigt.
Rémy Pflimlin " France Télévision n'est pas en...par Europe1frLe CSA n’oublie pas Bygmalion. Toujours dans un souci de maîtriser les coûts du service public, le document appelle à plus d’éthique et de transparence dans la signature des contrats avec les producteurs, les sociétés de conseil, les prestataires ou la rémunération des cadres. Comme un rappel à l’ordre après l’affaire Bygmalion, où le nom de Rémy Pflimlin n’a pas été épargné.
Le CSA prend ses distances. L'AFP indiquait hier la réaction non-officielle de France Télévisions : selon une source proche, on ne veut pas croire qu'il s'agit du document que validera le CSA "tant ce texte fait montre d'une méconnaissance du secteur et de l'entreprise, voire d'une ingérence éditoriale, sauf s'il s'agit d'une attaque personnelle contre Rémy Pflimlin, ce qui est encore moins imaginable".
Le CSA, qui prépare bien un bilan de la présidence de Rémy Pflimlin chez France Télévisions, a en effet pris ses distances mercredi avec ce pré-rapport qui a fuité dans la presse et provoqué l'indignation au sein du groupe. Ce "document préparatoire élaboré au sein du groupe de travail compétent", dont le site de BFM Business a publié des extraits mardi, "ne saurait préjuger ou faire préjuger de la position collégiale", explique le CSA, qui choisira dans 6 mois le prochain président de France Télévisions.