La porte s’est refermée jeudi : les candidats à la présidence de France Télévisions avaient jusqu’au 26 mars pour déposer leur dossier de candidature au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), désormais chargé de sélectionner le futur patron de la télévision publique. Un poste très convoité et qui a donc attiré de nombreux poids lourd, mais on ne connait pas encore le nom de tous les candidats, et pour cause : la course à la présidence de France Télévisions est secrète. Mais un certain nombre ont rendu public leurs ambitions, l’occasion de vous présenter celui ou celle qui sera peut-être le futur patron de la télévision publique.
Rémy Pflimlin, le titulaire qui veut rempiler. A la tête de France Télévisions depuis 2010, le PDG âgé de 61 ans se verrait bien rempiler pour un second mandat au nom de la continuité et de la stabilité. D’autant qu’il a pour lui une expérience non négligeable : il a dirigé France 3 pendant six ans puis les Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP), chargées de distribuer la presse. Il peut mettre en avant le fait qu’il a réussi à renégocier la convention collective de l’entreprise publique, à gérer la baisse des budgets provoqués par la suppression de la publicité après 20 heures et à lancer le chantier de la fusion des rédactions de France 2 et France 3.
Mais d’autres ont une vision bien plus sévère de son bilan, d’autant que France Télévisions est une grande maison difficile à diriger. Dans son pré-rapport sur les années Pfimlin, le CSA a pointé un manque de créativité, des programmes qui ressemblent trop à ceux du privé mais coûtent plus cher, des chaines dont la ligne éditoriale n’est pas claire, sans oublier un management coûteux et pas toujours transparent. Télérama n’est pas plus indulgent : "France Télévisions avait besoin d'un dirigeant à poigne, doté d'une vision solide en matière de programmes et capable de résister aux nombreuses pressions inhérentes à la fonction. Rémy Pflimlin n'a pas été cet homme-là". Bref, l’actuel PDG n’est pas assuré d’emporter les votes des membres du CSA, sans oublier un détail de taille : jamais un président de France Télévisions n’a rempilé pour un second mandat.
Marie-Christine Saragosse, l’autre patronne de l’audiovisuel public. Agée de 55 ans, cette dernière dirige France Médias Monde depuis deux ans, après avoir fait toute sa carrière dans l'audiovisuel public. Elle a notamment été directrice générale de TV5 Monde. Dotée d’une expérience solide dans le public, elle a en outre fait grimper les audiences et bien géré la couverture des attentats contre Charlie Hebdo pour un public étranger. Sans oublier un autre atout, plus politique : celui d’être une femme dans un audiovisuel public très dominé par les hommes.
Mais France Médias Monde, qui regroupe désormais France 24, RFI et Radio Carlo Doualiya, n’a pas encore atteint tous ses objectifs : les synergies entre les différents médias sont encore limitées alors que le groupe pourrait en faire un atout. D’autant qu’il doit s’adapter pour répondre à la concurrence grandissantes d’autres pays utilisant l’information comme un "soft power", une diplomatie qui ne dit pas son nom mais vise à influencer culturellement les téléspectateurs : Al Jazira pour le Qatar, RT pour la Russie, Voice of America pour les Etats-Unis, BBC World pour le Royaume-Uni ou encore la CCTV pour la Chine.
Alexandre Michelin, monsieur Microsoft. Bientôt âgé de 51 ans, l’actuel directeur général de Microsoft MSN pour la zone Europe, Moyen-Orient et Afrique est lui aussi un homme de médias. Passé par Paris Première et Canal +, il a été directeur des programmes de France 5, avant de rejoindre MSN, le portail de Microsoft. Mais un retour dans le service public le tente, avec une feuille de route claire : rajeunir les contenus pour renouveler un public dont la moyenne d’âge avoisine les 55 ans. Pour cela, il préconise de miser sur internet et de proposer des programmes plus audacieux.
Serge Cimino, le délégué syndical. S’il en est un qui connait intimement France Télévisions, c’est bien lui : Serge Cimino, 51 ans, travaille chez France 3 depuis plus de 30 ans et couvre actuellement la politique, plus particulièrement le Premier ministre et les partis de gauche. Mais Serge Cimino est aussi délégué syndical SNJ et ne le cache pas : s’il a peu de chance d’être choisi, son objectif est de "porter la parole des salariés". Des salariés qui réclament la fin des plans d’économies et surtout un plan éditorial et industriel précis. Serge Cimino leur propose donc la feuille de route suivante : pérenniser les moyens pour proposer une offre de qualité, réduire les commandes externes pour relancer les productions en internes, alléger la structure hiérarchique pour réaffecter des moyens aux programmes. Ainsi qu’un plan de départs volontaires pour rajeunir les effectifs.
Didier Quillot, l’ingénieur devenu manager. Officiellement, cela fait neuf mois qu’il s’est mis en retrait pour préparer sa candidature à la présidence de France Télévisions. Didier Quillot, 55 ans, n’est pourtant pas un néophyte : il a dirigé une filiale de Thalès, puis une filiale de Canal+, avant de devenir PDG d’Orange puis DG de Lagardère Active (groupe dont Europe 1 fait partie, Ndlr) entre 2006 et 2012, période durant laquelle il a développé le numérique et vendu une partie des magazines du groupe. Après cette expérience, Didier Quillot dit vouloir quitter le monde des médias et rejoint le fonds d’investissement de la famille Benetton pour diriger l’une des sociétés qu’il détient : Coyote, qui fabrique des avertisseurs de radars. Mais, visiblement, les médias lui manquent : le manager au physique de rugbyman veut prendre la tête de France Télévisions. Et si cela ne marche pas, il a déjà un plan B : il négocie actuellement le rachat du groupe Motor Presse France, qui détient notamment L’Automobile magazine, Golf Magazine, Jogging international ou encore Camping-Car Magazine.
Christophe Beaux, l’homme venu de Bercy. HEC, Sciences Po’, ENA : Christophe Beaux, 48 ans, a le profil-type du haut fonctionnaire et a logiquement intégré le ministère de l’Economie, puis le Trésor. Il fut également conseiller du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin et directeur de cabinet ministériel. S’il a bien fait un passage dans le privé, dans la banque JP Morgan pour gérer le département fusion-acquisition, il est rapidement revenu dans le public pour diriger à partir de 2007 la Monnaie de Paris. Une institution millénaire dont le métier est de frapper la monnaie, ainsi que des pièces de collections, mais qu’il a réussi à développer en fabricant de la monnaie pour d’autres pays. L’homme peut donc invoquer des compétences de gestionnaires et un solide réseau politique. Problème : il n’a aucune expérience dans les médias, mis à part sa participation au conseil d’administration de France Télévisions.
Nacer Kettane, le promoteur de la diversité. S’il a une formation de médecin, Nacer Kettane, 61 ans, n’est pourtant pas un néophyte des médias : il a fondé Radio Beur en 1981 puis Beur FM en 1992. Riche de cette expérience, Nacer Kettane ambitionne de transformer France Televisions pour qu’elle reflète mieux la diversité et les aspirations de la société. Son objectif : "faire avec France Télévisions une télévision qui soit l’image du pays réel ouvert sur lui-même et ouvert sur le monde".
Cyril Hanouna, le trublion. A la différence de ses concurrents, l’animateur d’Europe 1 et de D8 est connu du grand public mais ses chances de l’emporter sont bien moindres. Et pour cause : sa candidature ressemble à une blague potache, tout comme son slogan de campagne, "La France Télévisions forte", détournement de "La France forte" de Nicolas Sarkozy pour la présidentielle de 2012. Mais sa candidature a le mérite de mettre un peu de piquant dans une procédure très encadrée : Cyril Hanouna propose de transformer Thalassa en Harissa ou encore Des chiffres et des lettres en Des chiffres et des boulettes. Et ce n’est que le début.
Matthieu Bellinghen, l’autre candidature décalée. Un autre candidat inattendu s’est lancé dans la course : Matthieu Bellinghen, 45 ans, journaliste ayant fait sa carrière chez France 3 et actuellement en poste en Basse-Normandie. Si ce dernier est pour l’instant resté discret, son compte Twitter annonce la couleur : "Il n'y a qu'une seule vérité: tout ceci est du troisième degré!". Autre indice laissé sur son profil LinkedIn : il revendique des compétences en médecines alternatives.
Une liste qui va se rallonger. La procédure de sélection n’oblige pas les candidats à se déclarer publiquement. Le CSA a donc très probablement reçu d’autres candidatures mais elles restent secrètes. Néanmoins, certains noms reviennent fréquemment dans les médias. On peut notamment citer Delphine Ernotte, directrice exécutive d'Orange France, et Emmanuel Hoog, président de l'AFP. Ou encore Denis Olivennes, président du directoire de Lagardère Active, Christophe Baldelli, patron de RTL, et Rodolphe Bellmer, DG de Canal+, même si tous ont officiellement démenti vouloir le poste. Et il y en a probablement d’autres pour un poste pourtant compliqué.
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