Filmer un mineur en train d'acheter de l'alcool, pour les besoins d'un reportage et à l'insu du vendeur, est-ce conforme à la déontologie journalistique ? Oui, estime la direction de l'information de France Télévisions, qui répond directement aux critiques du Syndicat national des journalistes (SNJ)-CGT sur un reportage diffusé lundi sur France 2, dans le journal de 20 heures de David Pujadas.
Un reportage mis en cause. Dans ce sujet sur le non-respect de l'interdiction de vendre alcool et tabac aux mineurs, on voit l'équipe de tournage suivre en caméra cachée un adolescent de 14 ans dans un magasin, pour le filmer en train d'acheter sans difficulté une bouteille de vodka. Les journalistes ont aussi confié une caméra cachée à deux autres mineures afin qu'elles se filment en train d'acheter des cigarettes.
Selon Télé 2 semaines, le syndicat SNJ-CGT a adressé une lettre à Thierry Thuillier, directeur de l'information de France Télévisions, pour protester contre un procédé qui s'apparente pour eux à une mise en scène. Pour le SNJ, il y a là une entorse à la déontologie journalistique. La lettre pointe également une mise en danger d'autrui. Citant le code pénal, les auteurs affirment que les journalistes ont fait courir un risque aux deux jeunes filles en leur demandant "de porter atteinte à l'intimité" des buralistes filmés à leur insu. Les syndicalistes qualifient ces pratiques de "dérives qui déshonorent le service public de l’audiovisuel".
"Pas de mise en scène". "Nous réfutons point par point la mise en cause de la déontologie du reportage", rétorque Thierry Thuillier (photo), contacté par Europe1.fr. "L'équipe a sollicité ces mineurs en concertation et accord avec les parents", poursuit le directeur de l'information du groupe. "Il n'y a pas de mise en scène : ces mineurs ont simplement fait des gestes habituels pour eux." Thierry Thuillier estime par ailleurs infondé le risque pénal lié à une atteinte à la vie privée. "L'article du code pénal cité est le 226, qui sanctionne l'enregistrement sans consentement de propos tenus à titre confidentiel et d'image d'une personne dans un lieu privé", détaille-t-il. "Or, un bureau de tabac n'est pas un lieu privé. Cette invocation de la loi est donc hors propos".
Quant à la caméra cachée, Thierry Thuillier affirme que son utilisation "est précisément prévue dans notre charte, pour la révélation d'une information importante, quand ce n'est pas possible autrement". Dans ce cas précis, il s'agit pour lui d'une "exception légitime", au vu du thème traité : "c'est un sujet de santé publique de première importance, notamment pour les parents". Le patron de l'information de France Télévisions estime donc n'avoir rien à se reprocher. D'autant que, comme ils le précisent dans leur reportage, les journalistes ont pris soin de récupérer la bouteille de vodka achetée par l'adolescent filmé !