Case prison. Jérôme Kerviel a été incarcéré lundi matin à la maison d'arrêt de Nice. Il avait été interpellé à minuit, après avoir franchi la frontière, au terme d'une marche de plus de deux mois sur les routes italiennes. Suivi tout le week-end par une foule de journalistes, l'ancien trader de la Société générale, condamné à trois ans de prison ferme, a donné à voir ses derniers instants de liberté. Quel est le but de cette stratégie ? Décryptage de trois images fortes avec Jean-Luc Mano, conseiller en communication, fondateur de l'agence Only Conseil.
• Le marcheur, veste rouge et sac au dos
Seul sur la route, bien visible dans sa tenue rouge, Jérôme Kerviel marche, semblant affronter son destin. "L'homme en rouge qui arpente les routes, c'est d'abord une stratégie de rupture avec l'image du trader qu'il était", explique Jean-Luc Mano. "On est passé de Wall Street à Saint-Jacques de Compostelle !"
Pour le communicant, Jérôme Kerviel veut montrer qu'il marche pour une cause, sur un chemin de repentance. "Les gens voient un homme en réminiscence. Il a fait une faute et veut presque donner une image messianique, celle du pèlerin face à la finance", décrypte-t-il. "De ce point de vue, je trouve que cette phase de communication fonctionne bien".
• Le croyant, à genoux sur la route
Depuis sa condamnation, Jérôme Kerviel s'affiche en converti. Vraie-fausse "audience" avec le pape François, soutien de l'évêque de Gap, Mgr di Falco, présence d'un prêtre à ses côtés tout au long du week-end… Samedi, à quelques mètres de la frontière française, l'ex-trader s'est agenouillé quelques instants sous l'objectif des photographes, les yeux fermés.
Sincérité ou stratégie ? Pour Jean-Luc Mano, probablement un peu des deux. "Au moment où il s'agenouille, il y a forcément une part de mise en scène", analyse-t-il. "Et en même temps, il y a sans doute de l'authenticité dans la démarche. C'est très difficile à dire car il y a certainement un chemin personnel derrière. On ne peut que le respecter chez quelqu'un qui s'apprête à aller en prison et qui a sans doute trouvé un réconfort dans la foi".
"Ce qui est cohérent, c'est l'idée de la rédemption", poursuit le spécialiste. "Kerviel reconnaît qu'il a pêché, par arrogance, par appât du gain, et il veut montrer qu'il cherche désormais les vraies valeurs : la foi, la marche, l'effort."
• L'arrêté, interpellé sans heurts par la police
Dimanche soir, à minuit pile, Jérôme Kerviel a été abordé par deux policiers en civil qui l'ont rapidement arrêté, toujours sous l'œil des caméras. Il n'a opposé aucune résistance. "Il n'est pas dans la violence. C'est la mise en scène de l'arrestation de quelqu'un qui considère qu'il n'est pas coupable, mais que le système l'est", estime Jean-Luc Mano.
Pour autant, si on se concentre sur le message adressé, "la stratégie se discute", affirme-t-il. "Il assure qu'il est une victime, mais il accepte d'être arrêté, d'accomplir une peine. C'est là qu'il manque de cohérence : c'est un Robin des bois qui se laisse arrêter par le shérif. Or, en principe, Robin des bois se réfugie dans la forêt de Sherwood !"
>> Quel bilan ? Des images, encore des images, mais au final, Jérôme Kerviel n'en a-t-il pas trop fait ? "Le problème, c'est que derrière ces images, sa stratégie globale est parfois assez aléatoire", juge Jean-Luc Mano. Dans ses déclarations au cours du week-end, les revirements se sont succédé. En route pour la France, l'ex-trader avait d'abord affirmé être "à la disposition de la justice". Puis, arrivé près de la frontière, il a lancé un appel à François Hollande, laissant planer le suspense sur ses intentions. Avant de finalement passer en France pour se rendre à la police. "Il y a une forme de désordre", en conclut Jean-Luc Mano. "Et en même temps, Jérôme Kerviel n'est pas un homme politique, sa communication n'est non plus pas calibrée au millimètre", rappelle le communicant. D'où une probable part de sincérité, juge-t-il, au-delà de la mise en scène.
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