Le président du Conseil de surveillance du Monde, Pierre Bergé, a émis mardi soir de vives critiques concernant la révélation des noms de personnalités touchés par le scandale "Swissleaks". Ce scandale, qui porte sur un vaste système de fraude fiscale mises en place par la filiale suisse de HSBC, avait conduit Le Monde à publier les noms de certains fraudeurs.
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"Des méthodes que je réprouve". "Ce n’est pas pour ça que je leur ai permis d’acquérir leur indépendance", a déclaré Pierre Bergé dans une interview sur RTL. "Ce sont des méthodes que je réprouve", a condamné l’actionnaire. "Je ne veux pas comparer ce qui se passe à des époques passées mais quand même, la délation, c’est la délation. C’est jeter en pâture des noms", a-t-il poursuivi.
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Un co-actionnaire du Monde plus tôt dans la journée. Matthieu Pigasse, co-actionnaire du Monde (avec Xavier Niel et Pierre Bergé) et vice-président de la banque Lazard, avait lui aussi mis en garde, plus tôt dans la journée. S’il s’était dit "fier" du travail d’investigation "remarquable" des journalistes, il avait lui aussi demandé à ne pas tomber dans "la délation". "Il est vrai qu’il y a un juste équilibre à trouver entre le fait de divulguer des informations d’intérêt général, d’intérêt public" et le fait "de ne pas tomber dans une forme de maccarthysme fiscal et de délation", avait-il expliqué.
Les journalistes du Monde font bloc. Le directeur du Monde, Gilles Van Kote, avait aussitôt réagi aux propos de Matthieu Pigasse en réaffirmant l’indépendance éditoriale de la rédaction : "le débat sur le fait de donner le nom d’untel et pas d’untel est ouvert, il existe au sein de la rédaction. Mais ce sont des décisions qui sont d’ordre éditorial et qui sont donc du ressort de la direction du journal".
Mercredi, ce sont les deux journalistes d’investigation du Monde à l’origine du scoop, Fabrice Lhomme et Gérard Davet qui ont répondu à Pierre Bergé sur le plateau de Médias le mag' sur France 5. "Objectivement, ils peuvent critiquer, ce n’est pas un problème. L’essentiel c’est qu’on puisse publier nos papier et c’est le cas… Le reste c’est vraiment de la discussion entre la direction éditoriale du journal et les actionnaires", ont-ils expliqué. Les deux comparses ont néanmoins jugé "absurde" que l’on compare leurs articles à de la “délation”.
Récidive. Ce n’est pas la première fois que Pierre Bergé se désolidarise de la rédaction du Monde. Et la dernière est plutôt récente. En décembre dernier, l’homme d’affaires s’en était pris violemment à un journaliste du Monde qui avait étrillé le dernier roman de Patrick Modiano. Dans un tweet, Pierre Bergé avait insulté le journaliste Eric Chevillard en le traitant de "connard".
#leMonde. Chevillard ou Cosnard? Ou le connard n'est pas celui qu'on pourrait croire.— Pierre Bergé (@pvgberge) 8 Décembre 2014
Selon l’actionnaire, Le Monde s’était rendu "ridicule aux yeux du monde entier" en publiant huit jours avant l’annonce du Nobel, une critique qui "descendait le livre de Modiano".
#le Monde est ridicule aux yeux du monde entier. Il y a 8 jours il descendait le livre de Modiano. Aujoud´hui Modiano reçoit le prix Nobel.— Pierre Bergé (@pvgberge) 9 Octobre 2014