Dimanche soir sur M6, le magazine Zone interdite proposera un reportage qui a suivi pendant huit mois un voyage de migrants clandestins entre la Libye et la France. On y voit des séquences étonnantes, comme la traversée de la Méditerranée à bord d'un bateau de fortune ou l'arrivée sur l'île de Lampedusa, en Italie. Mais ce reportage fait aujourd'hui polémique. Comme l'ont rapporté Télérama et Le Nouvel Observateur, les trois migrants suivis par la caméra s'opposent désormais à sa diffusion.
"On avait le profil parfait". Ce groupe de Camerounais accuse en effet les journalistes qui ont réalisé ce sujet de les avoir incités à entreprendre ce voyage en promettant de leur obtenir, à leur arrivée à Paris, des papiers, du travail et un hébergement. Interrogé par Europe 1, Elie, l'un des migrants, affirme qu'il n'avait pas l'intention de se rendre en France avant que l'équipe de tournage ne les sollicite. "Ils voulaient des candidats francophones et on avait le profil parfait", déclare-t-il, précisant que les journalistes ont financé une partie du voyage.
>> Regardez le résumé de la polémique par Eva Roque, chef des infos à Télé 7 Jours :
Des consignes. Les trois hommes affirment aussi avoir reçu des consignes tout au long du tournage : ils auraient par exemple dû attendre plusieurs mois pour trouver un bateau sur lequel la caméra serait acceptée. "Nous, ce qu'on veut, c'est que les gens sachent comment ça s'est passé, qu'ils nous ont manipulés", conclut Elie.
Une plainte conte X. Les trois migrants sont conseillés par l'avocat Jérémie Assous (photo), qui s'est notamment spécialisé dans la défense de candidats de téléréalité. Ils ont porté plainte contre X pour "soumission à des conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité humaine, risques causés à autrui, omission de porter secours et escroquerie". Ils ont aussi demandé par référé que leurs visages soient floutés lors de la diffusion du reportage, dimanche. Un référé qui n'avait pas été reçu par M6 jeudi, selon les informations d'Europe 1.
Le producteur dément. Le reportage a été produit par Tony Comiti Productions, une société réputée qui vend des reportages à plusieurs grandes chaînes. Interrogé dans le Grand Direct des médias, vendredi sur Europe 1, son fondateur, Tony Comiti, a réfuté les accusations des trois migrants. "Ces insinuations sont fausses et diffamatoires", a-t-il martelé, laissant entendre qu'une action pourrait être engagée : "nous envisageons fortement de faire valoir nos droits". Pour lui, ces accusations s'expliquent par "l'aigreur" de ces clandestins : "je comprends que ces hommes, qui voient la France comme une terre promise, puissent être déçus par la dureté de l'accueil".
"On ne donne jamais de fric". Tony Comiti reconnaît simplement avoir financé "par humanité" les billets de train des trois Camerounais entre l'Italie et Paris, ce qui est précisé dans le reportage. Il affirme que son équipe n'a rien payé de plus : "on ne donne jamais de fric, jamais, c'est notre principe et notre déontologie". Et de déplorer : "nos reporters mettent tous les jours leur vie en danger pour assurer l'information dans notre pays et voilà qu'on est sali sur une polémique corporatiste".
Il n'est donc pas question pour le producteur de flouter leurs visages lors de la diffusion du reportage. "Ils ont posé en photo pour Télérama, pour le Nouvel Observateur, ils ont donné une interview à la télé allemande", rappelle Tony Comiti. Ne pas montrer leurs visages serait "une atteinte au droit à l'information", assène-t-il.