Arte, "la chaîne que tous les Français aiment, mais que personne ne regarde", c'est terminé. La chaîne franco-allemande réalise les meilleures audiences de son histoire et séduit les 15-34 ans grâce à un tournant du numérique pris avec succès. Invité jeudi de Culture Médias, le directeur du groupe Arte, Bruno Patino, détaille ce succès et la stratégie mise en place pour y parvenir. "C'est une sorte de moment magique pour Arte", se réjouit ainsi Bruno Patino.
Il faut dire que le succès de la chaîne culturelle est assez difficile à nier, à l'antenne comme sur le numérique. "Nos audiences sont au plus haut, dans l'ensemble de nos propositions éditoriales. Sur l'antenne 2019-2020, on a progressé de façon très notable, de 12%", observe le directeur du groupe télé.
Arte est en effet passée de 2,6% à 2,9% de part de marché. À l'antenne, 256 de ses soirées ont réuni plus d'un million de téléspectateurs, contre seulement 123 l'année précédente. Ses audiences télé progressent de 35% chez les 15-34 ans. Quant au numérique, Arte observe 50% de hausse de visionnage, avec 137 millions de vidéos vues en moyenne chaque mois.
Miser sur les récits
Mais Bruno Patino ne se réjouit pas que des chiffres. "J'ai l'impression que l'on a pris une certaine importance dans la vie des gens. En tout cas, qu'ils nous aiment" estime-t-il. De fait, des sondages faits pendant le confinement font apparaître Arte comme l'une des marques préférées du confinement, au côté des... livreurs de nourriture.
"Cela montre qu'il y ait une sorte d'adéquation en ce moment entre ce que nous proposons et le moment que nous vivons", analyse Bruno Patino. Il estime que cela valide la stratégie choisie par la chaîne. "Arte essaye d'être une chaîne de récits qui parie sur le temps, qui parie sur l'intelligence, mais aussi sur l'éclectisme, la diversité et qui essaye de rendre accessible l'exigence."
Car c'est, selon lui, bien de récits dont ont besoin les téléspectateurs. "Cette époque a besoin que l'on prenne du temps pour la raconter", théorise-t-il. Uns stratégie développée aussi bien sur les documentaires que sur les séries et les films. "Quand on prend du temps pour déployer des formes narratives structurées sur le récit, ça marche", explique Bruno Patino.
Une stratégie de diffusion à contre-courant
L'autre point central de la nouvelle stratégie d'Arte, c'est la diffusion des avant-premières de l'antenne sur le numérique. À contre-courant de ses concurrentes, la chaîne diffuse sur le web plusieurs semaines voire plusieurs mois en avance de l'antenne. Ce qui nourrit les deux canaux.
Bruno Patino l'explique, en prenant l'exemple de la série No man's land. "Nous l'avons mise en ligne en septembre dernier. Elle est passée à l'antenne fin novembre", rappelle-t-il. "Avec ces deux programmations différentes, je ne pense pas du tout qu'il y ait cannibalisation. Parce qu'on parle de deux usages différents et que les usages s'additionnent les uns avec les autres." Cette série a, de fait, été l'un des plus gros succès de la chaîne en 2020, sur le numérique, comme à l'antenne.