Le sujet est fort et le titre explicite : Rencontre avec mon agresseur. Ce documentaire, produit par Melissa Theuriau, qui sera diffusé mardi à 20h50 sur France 5, fait découvrir la justice restaurative, au travers du parcours d'une femme qui accepte de rencontrer son agresseur 33 ans après son viol. Invitée de François Clauss dans l'émission C'est arrivé demain, la journaliste a décrit son approche.
A la frontière de la justice et de la psychanalyse
Le projet est à l'initiative de Maiana, âgée d'une quarantaine d'années. "Elle m'a écrit avec ce désir et presque ce besoin de rencontrer cet homme qui a été son violeur quand elle était petite fille. Elle a souhaité comprendre et poser des questions qui n'avaient jamais pu être posées. Ce qui est doublement extraordinaire, c'est d'avoir eu besoin et envie d'en faire un film. Ça demande courage et détermination. Et d'avoir l'aval aussi de cette personne qui aujourd'hui est libre", explique Melissa Theuriau. "Maiana était l'une des premières Françaises à rentrer dans ces cercles de médiation restaurative. Je suis convaincue des bienfaits de cet outil" qui se situe entre la justice et la psychanalyse et qui est entré en vigueur en 2014 mais reste "très méconnu", souligne Melissa Theuriau.
Comme le processus n'en est qu'à ces débuts, l'équipe du documentaire a dû convaincre l'homme qu'il serait bien anonymisé, qu'on ne le reconnaîtrait pas "pour laisser place à l'authenticité de la parole", indique la journaliste. Sur l'écran, on suit les doutes, la première entrevue de Maiana et de son agresseur, sa rencontre à elle avec d'autres victimes, tout son parcours.
Si du point de vue de la victime, le dispositif permet une certaine compréhension de ce qui est arrivé, un potentiel déblocage et une éventuelle reconstruction, il a aussi un bénéfice vis-à-vis de la société et de l'agresseur. "La vraie prévention de la récidive, donc la réinsertion, c'est une fois qu'on a réellement pris conscience" de l'acte et de ses répercussions, indique François Goetz, directeur de service pénitentiaire et pionnier de la mise en place de cette justice restaurative, déjà à l'oeuvre au Canada et en Belgique. "On est tellement configuré à garantir un cloisonnement entre les victimes et les auteurs, que l'on n'a pas dans un premier temps pensé que ça pouvait être intéressant, tant pour l'auteur que pour la victime", poursuit le spécialiste.
Des rencontres planifiées et encadrées
D'un point de vue pratique, des conditions très précises encadrent les rencontres. "C'est une des garanties d'atteindre l'objectif fixé : la réparation de la victime et la prise de conscience de l'auteur", ajoute François Goetz. L'un et l'autre sont préparés à la rencontre et encadrés par des animateurs également formés à la médiation. "C'est simple, mais très sérieux et très encadré. On ne peut pas se livrer à l'amateurisme", conclut le spécialiste qui insiste sur le fait que la démarche peut être arrêtée "à tout moment" par chaque participant.