C'est peu dire que les relations entre le grand quotidien La Voix du Nord et l'équipe du Rassemblement National à la tête la ville d'Hénin-Beaumont sont houleuses. La municipalité multiplie en effet depuis sept ans les droits de réponse - la possibilité de répondre à un article citant son nom - dans les colonnes du quotidien. Le 100e droit de réponse envoyé au journal a même été symboliquement atteint la semaine dernière. Invité de Culture Médias mardi, le directeur général délégué du journal Gabriel d'Harcourt a fustigé le comportement de la municipalité qui estime totalement injustifiable.
Des droits de réponse "dérisoires"
"Un droit de réponse est le droit pour chacun, à partir du moment où il est cité dans un article de presse, de pouvoir faire publier un article de même taille pour pouvoir répondre à ce qui a été dit sur lui", a-t-il expliqué. "Chacun peut donner une version des faits qui est la sienne."
Dans le cas des droits de réponse envoyés par la municipalité, Gabriel d'Harcourt les a qualifiés de "tout à fait dérisoires". "Nous sommes rentrés dans un petit jeu et la mairie d'Hénin-Beaumont, notamment le député Bruno Bilde, veut nous empêcher de faire notre métier. Par exemple, il y a quelques années, le curé de la ville avait regretté dans nos colonnes de ne pas avoir eu les relations qu'il espérait avec la municipalité. Et pour ça, la mairie avait fait un droit de réponse", a-t-il détaillé.
Dans 90% des cas, c'est le maire de la ville, Steeve Briois, qui envoie ces droits de réponse. "À l'époque c'était aussi Marine Le Pen, mais d'après ce que je sais ils sont préparés par Bruno Bilde", a-t-il poursuivi. "Et sur les 100 derniers droits de réponse que nous avons reçu, il nous est arrivé une fois de ne pas en passer un par souci d'organisation. Ils nous ont attaqué au tribunal et ont gagné."
"Sales pourris"
Contacté par Europe 1, Christopher Szurek, adjoint au maire, a qualifié les relations avec le journal de "fatalement tendues". "On le déplore et on ne demande pas mieux que d'avoir des relations normales avec La Voix du Nord, mais depuis longtemps la balle est dans leur camp et ils s'y refusent manifestement. Donc dans la mesure où on s'estime attaqués, on réplique et on se défend", a estimé l'élu. "Dès notre arrivée en mairie d'Hénin-Beaumont, nous avons senti un traitement différent par rapport à d'autres villes du secteur en termes de couverture et de traitement, avec des articles beaucoup plus critiques. On sent une volonté générale de faire le buzz", a regretté Christopher Szurek.
Des propos avec lesquels le directeur général de La Voix du Nord s'est dit en total désaccord. "Cela fait 80 ans que le journal fait son travail avec sérieux et rigueur, aussi bien à Hénin-Beaumont qu'ailleurs. Nos relations ne sont pas au beau fixe avec toutes les mairies, mais c'est le seul cas de la sorte", a-t-il assuré.
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"Il faut aussi parler des SMS, des mails, des pressions quotidiennes et de cette forme de harcèlement et d'intimidation menée au quotidien envers les journalistes qui vivent dans la commune et se font invectiver de façon privée ou publique. Bruno Bilde nous écrit à tour de rôle au petit matin quand il n'est pas content de ce que l'on a écrit. Le maire Steeve Briois reprend sur sa page Facebook des tribunes accusant La Voix du Nord et c'est une chose, mais il laisse les commentaires avec aucune modération. Il n'y a de modération que quand on dit 'attention, on va faire un constat d'huissier'. Et parmi les termes employés à notre égard on retrouve des 'sales pourris' ou 'bande de salopes'", a conclu Gabriel d'Harcourt. À l'origine de ces tensions notamment, la décision du journal de s'engager en 2015 lors des élections régionales en publiant en Une : "Pourquoi une victoire du FN nous inquiète ?"